vendredi 25 mars 2016

Le Bal des Casse-Pieds (1992)


Le cinéma d'Yves Robert m'a toujours plu une sorte de cinéma qui entre chez nous, avec des personnes actuelles, qui pourraient être des proches ! Son humour et sa manière de dépeindre notre société, sont toujours pour le spectateur d'agréables moments.

Le scénario du Bal des Casse-Pieds est écrit par Jean-Loup Dabadie. Étudiant en Lettres à Paris, ce garçon se passionne pour l’écriture. En 1957, âgée alors de dix-neuf ans, le jeune homme publie son premier roman, intitulé Les Yeux Secs, aux Éditions du Seuil, suivi l’année suivante par Les Dieux du Foyer. Pendant ses débuts de romancier, cet auteur amorce une carrière de journalisme grâce à Pierre Lazareff, dirigeant du Nouveau Candide. Au cours de cette période, l'écrivain participe à la collaboration de la création de la revue Tel quel, avec Philippe Sollers & Jean-Edern Hallier. En parallèle il écrit également des critiques de films et des reportages pour Arts.

Déjà fort occupé par ses piges, Jean-Loup Dabadie écrit dès 1962 pour la télévision. Il fait alors équipe avec Jean-Christophe Averty & Guy Bedos pour les émissions produites par Michèle Arnaud - Histoire de Sourire et Les Raisins Verts. Vient, ensuite, le temps du service militaire, pendant lequel le jeune homme est affecté dans un régiment de parachutistes à Tarbes
. Au cours de son service, l’auteur envoie quelques sketches à Guy Bedos, dont Bonne fête Paulette & Le boxeur. Peu après, en 1963, alors que l'écrivain regarde la télévision, il a l’honneur de voir le comique interpréter ses deux numéros. Cette nouvelle collaboration donnera naissance à des saynètes tel que Monsieur Suzon, Un jeune homme de lettres ou Dernier dans la première… Jean-Loup Dabadie amorce, pendant les années soixante, une carrière de scénariste pour le cinéma. Le romancier collabore, au fil des années, avec des cinéastes comme Claude Sautet (Les choses de la vie, César et Rosalie, Une histoire simple), Yves Robert (Clérambard, Salut l’artiste, Un éléphant ça trompe énormément, Nous irons tous au paradis), Claude Pinoteau (Le Silencieux, La Gifle, La 7ème Cible), et l'un des représentants de La Nouvelle Vague, François Truffaut  avec Une belle fille comme moi en 1971.

La carrière de cet auteur prolifique est également marquée par le théâtre. En effet, Jean-Loup Dabadie signe plusieurs pièces dont La Famille écarlate (1967), Le Vison voyageur (1969), Madame Marguerite (1974) & Double mixte (1986). Et n'oublions pas de signaler sa carrière de parolier avec les plus grands, par exemple : Johnny Hallyday, Claude François, Barbara, Michel Sardou, Sylvie Vartan, Serge Reggiani, Michel Polnareff… Et même Jean Gabin avec Maintenant, je sais.


Yves Robert se confie dans un entretien sur la genèse du Bal des Casse-Pieds :

"J'ai recherché les sources de Molière, parce que Molière c'est inspiré d'Alexandre, de différents Latins sur le fait des emmerdeurs, des casse-pieds… Et puis c'est un thème évident, très clair.  J'ai proposé à Rochefort l'idée d'un homme bon qui subit ! J'ai parlé du faite qu'il était un vétérinaire, alors évidemment pour lui les animaux sont des personnages importants de sa vie. Ça l'a tenté. Et puis on c'est beaucoup amusé avec Jean-Loup à l'écrire". 

Alain Poiré & Yves Robert font des démarches auprès de Jean Dréville, metteur en scène Des Casse-Pieds en 1948. Les deux hommes veulent rendre un hommage à son long-métrage. L'une des volontés du scénariste Jean-Loup Dabadie n'est pas d'écrire une oeuvre à sketches mais une intrigue possédant un véritable fil rouge, notamment avec la romance avec Jean Rochefort & Miou-Miou

Pour l'anecdote, Alain Poiré ne voulait pas de Michel Piccoli. Pour ce grand producteur le comédien dont le coeur bat à gauche est "un pétroleur, un homme de gauche". Après des pourparlers Yves Robert trouve un consensus, son dernier mot est "D'accord ! Mais il ne sera pas payé". Le cinéaste téléphone alors au Figaro, demande le prix de la ligne dans le spectacle. Si dix lignes du journal paie son cachet - soit 1 millions de Francs anciens - Michel Piccoli sera rémunéré.

"Casse-noix, pompeurs d'air, casse bonbons, casse-couilles, gonfleurs, formidable collection d'emmerdeurs, petits porteurs de la connerie humaine, bousculeurs, embouteilleurs, marcheurs sur le pied-d'autrui..."

À compter du jour de la naissance de son fils, le vétérinaire Henry Sauveur,  âgé d'une cinquantaine d'années, passe en revue la longue liste de casse-pieds qui viennent vous empoisonner l'existence, du berceau au tombeau. Ainsi, la sœur omniprésente, la maîtresse excessivement bavarde, l'ami aux éternels déboires sentimentaux - et qui vous en fait profiter -, celui qui vit en permanence accroché à son téléphone, l'invité pessimiste et l'invitée étalant sa culture sur un sujet oiseux... Puis un jour, grâce à l'un de ces pénibles, notre vétérinaire croise la route de Louise, laquelle semble aussi révoltée que lui contre les casse-burettes... Mais est-il possible de s'aimer en paix sans qu'on vienne vous enquiquiner ?.


Perpétuel mouvement sur la connerie humaine avec ce héros de notre temps dit "moderne," l'excellent Jean Rochefort se retrouve envahi par ce qu'on appelle gentiment des casses pieds. Son personnage, Henri Sauveur souffre et croise une pléiade d'enquiquineur professionnels dans toutes les situations possibles et imaginables. 

D'une certaine façon, le thème est proche du cinéma de Francis Veber, qui a également écrit sur le même sujet avec L'Emmerdeur ou Le Dîner de Cons.

Car Yves Robert s’attache à décrire ce qu’en d’autres temps Molière fit : Les casse-pieds de toute espèce, de tout style, de tout milieu. Et cette engeance infatuée d’elle-même, égoïste, harcelante, malfaisante, bourdonnante et frémissante de bêtise, de snobisme, se rattache plus au personnage de Pierre Brochant - Thierry Lhermitte - qu’à celui de François Pignon dans Le Dîner de Cons, film que l’on pourrait justement comparer au Bal des Casse-Pieds … Le "con"  façon Francis Veber dans son dénuement d’arrière-pensée, de calcul et de prétention, dans sa profonde gentillesse est loin des "grossiers" décrits chez Molière et chez Yves Robert ! Mais il y a aussi les aimables casse-pieds : Les monsieur Vandubas (Jean Carmet), les Jérome (Jacques Villeret), les Frank Salvage (Victor Lanoux) qui sont seulement des amis un peu collants… Le cinéaste ne porte pas un regard manichéen sur son petit monde ! Le personnage principal Henri Sauveur s’amuse des travers des uns et des autres sans une once de méchanceté…

Cette comédie est quasiment une oeuvre à sketches où l'on voit défiler des situations mettant en scènes nos fameux casse-pieds et leurs victimes. Passage en revue des râleurs, surbookés du téléphone (déjà en 1992 !), empêcheurs de tourner en rond, dragueurs rances et autres spécimens.


"Comme ils sont fâcheux les gens qui ne supportent pas votre solitude."

Yves Robert, grand cinéaste de LA "comédie populaire à la Française", signe ici un vaudeville. Il n'en demeure pas moins que les nombreuses situations sont mises en scène avec brio et suscitent quelques fois une empathie réelle pour notre malheureux héros.

Distribution quatre étoiles, assez proche de celui d'Un Éléphant ça Trompe Énormément.. L’interprétation en finesse, élégance et flegme de Jean Rochefort est tout simplement remarquable. Le comédien ne sur-joue jamais, prends le spectateur à témoin et garde au coin de l’œil le reflet rigolard de la distanciation. Par chance Henry Sauveur trouve son alter-ego en Louise Sherry dont notre héros tombe, évidemment, amoureux. Épaulé par des seconds rôles exaspérants au possible interprétés par des cadors du genre (Victor Lanoux, Jacques Villeret, Jean Carmet & Guy Bedos) et qui vont tout faire pour ruiner son histoire d'amour avec une ravissante Miou-Miou fraîche et délicieuse. Et l'irrésistible Jean Yanne, qui est sans doute la meilleure intervention du Bal des Casse-Pieds... Qui arrive à la fin !.

"Celui-la, il aurait fallu le numéroter comme le font les collectionneurs".

Nous découvrons également la nouvelle vague comique de l'époque, de Valérie Lemercier à Patrick Timsit en passant par Jean-Pierre Bacri & Didier Gustin. Il est d'ailleurs amusant de constater que les "jeunes" apparaissent peu de temps à l'écran, laissant davantage la place aux "anciens".


N'oublions pas l'atmosphère joyeuse dégagée par la mélodie entrainante signé du maestro Vladimir Cosma, mélomane attitré d'Yves Robert depuis Monnaie de Singe en 1965. Une collaboration sur treize longs-métrages, sa musique a contribué aux succès populaires des oeuvres de son cinéaste, d'Alexandre le Bienheureux, au Grand Blond avec une Chaussure Noire ou encore Un Éléphant ça Trompe Énormément

En forme de clin d'oeil Véronique Sanson interprète au piano-bar la musique d'Un éléphant ça Trompe Énormément.

Sans être le meilleur long-métrage d'Yves Robert. Nous sommes loin de la comédie qui vous fait pleurer de rire mais la caricature (en est ce vraiment une ?) est tellement savoureuse. Avec l'impérial Jean Rochefort et des seconds rôles très nombreux succulent… Petit film, sûrement au niveau de son budget, mais œuvre délicieuse, sans prétention et pourtant intemporelle.

Le Steward : "Vous avez une place centrale La-bas et deux autres au fond Fumeur ou non-fumeur"

L'emmerdeur dans lʼavion : "Devant les réacteurs, merci bien ! À l'arrière, dans les turbulences, l'avion remue la queue, et j'ai l'estomac qui suit. Pourquoi pas une place en terrasse, sur l'aile?"

Le Steward : "Vous ne voulez pas chercher une solution?"

L'emmerdeur dans lʼavion : "Non. Je suis désolé… Pardon, H 33"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire