jeudi 25 février 2016

Total Recall : L'incroyable et véridique histoire de ma vie. (2012)

Longtemps attendue, les mémoires d'Arnold Schwarzenegger laissent au bout du compte un sentiment mitigé. Sa vie nous est narrée, de son enfance dans un village modeste en Autriche, en passant par ses débuts fracassants dans le culturisme, son triomphe en tant que star Hollywoodienne, jusqu'à ses deux mandats en tant que gouverneur de Californie. L'ouvrage s'arrête après le tournage de Evasion (mi-2012).

Le mot qui ressort assez souvent dans ce livre est : Ambition. Et il faut dire que celle d'Arnold Schwarzenegger est vraiment démesurée, car tout jeune, il se sentait Américain et a tout fait pour être riche et célèbre, quitte à paraître sans pitié envers ceux qui se mettent en travers de son chemin. Un passage fait presque froid dans le dos, c'est celui où son frère et son père meurent dans un intervalle assez court, et étant déjà en Amérique, il refusera d'aller à leurs enterrements, de peur que ça n'entrave sa soif de réussite. Finalement, sa naturalisation américaine, survenue en 1983, n'est qu'une suite logique d'évènements où Schwarzy se sentait profondément Américain, et non pas Autrichien.

Le jeune homme à tout fait pour devenir riche et célèbre, quitte à tourner le dos à une enfance difficile et un père autoritaire. Son frère aîné, Meinhard, est le favori de leur père tandis qu'Arnold Schwarzenegger est éduqué de façon stricte. le comédien avouera que son père n'avait "aucune patience pour écouter et comprendre ses problèmes… il y avait comme un mur, un vrai mur". Dans un entretient à Fortune en 2004, le "Chêne Autrichien" déclare qu'il a subi "ce que l'on appellerait maintenant des sévices à enfants" de la part de son père. "Mes cheveux étaient tirés. J'étais frappé avec des ceintures. Comme le gamin d'à côté. C'était comme ça. Beaucoup d'enfants étaient cassés ainsi par leurs parents, c'était dans la mentalité germano-autrichienne. Ils ne voulaient pas créer des individus. Tout n'était qu'une question de conformisme. J'étais de ceux qui ne voulaient pas se conformer, et dont la volonté ne pouvait pas être cassée. Je devins un rebelle. Chaque fois que j'étais frappé et qu'on me disait : "tu ne peux pas faire ça", je me disais : "ça ne va pas durer longtemps ainsi parce que je vais partir d'ici. Je veux être riche. Je veux être quelqu'un". Arnold Schwarzenegger entretient de bonnes relations avec sa mère et restera en contact avec elle jusqu'à sa mort. À l'école, le jeune garçon est "dans la moyenne" mais est remarqué pour son caractère "enjoué, joyeux et exubérant". Le manque d'argent est un problème dans le foyer, Schwarzy se souvient que l'un des moments importants de sa jeunesse est l'achat d'un réfrigérateur par sa famille.



En 1961, Arnold Schwarzenegger rencontre l'ancien Mr. Autriche, Kurt Marnul, qui l'invite à venir s'entraîner à l'Athletic Union, une salle de gymnastique à Graz. Sa passion le conduit à aller s'y entraîner même le week-end alors que celle-ci est fermée. À cette époque, le jeune homme déclare à son père : "Je veux devenir l'homme le mieux bâti du monde, puis je veux aller en Amérique et être acteur". Le futur "Chêne Autrichien" fréquente aussi les cinémas et ses idoles sont les acteurs Reg Park, Steve Reeves & Johnny Weissmuller. En 1963, il arrive deuxième lors d'une compétition mineure organisée à Graz au Steirer Hof Hotel. L'année suivante, son père, très inquiet de la passion envahissante de son fils pour le "sport le moins populaire d'Autriche", lui interdit d'aller plus de trois fois par semaine à l'entraînement, mais celui-ci contourne cette limitation en construisant sa propre salle à la maison… 


Une grande partie du livre est consacrée à sa carrière dans le culturisme, où il ne cessera de battre des records, tout en admettant qu'il a pris des substances dopantes, alors autorisées dans les années 60. En fait, il a même un amour démesuré pour ce sport, car il est celui qui va constamment se mettre en avant pour promouvoir ce sport, car les gens n'y voyaient aucun intérêt à se mettre seulement en slip devant des milliers de personnes. 

"Ce que nous affrontons peut sembler insurmontable. Mais j'ai appris quelque chose de toutes ces années d'entraînement et la compétition… Ce que j'ai appris, c'est que nous sommes toujours plus forts que nous pensons"



Le cinéma est aussi présent, et c'est là que le bat blesse, car c'est plus survolé qu'autre chose, quand ce ne sont pas des anecdotes déjà connues qui reviennent à la surface. Les longs-métrages évoqués dans le détail sont Stay Hungry, Conan le barbare, Terminator, Jumeaux, Total Recall & La Fin des Temps (!). Le reste n'est que partiellement évoqué (rien ou presque sur Commando), voire il n'en parle pas (des films entiers sont ainsi rayés de son parcours) ; peur de mal parler de ses partenaires ? Oubli involontaire ?

Il y a quelques anecdotes savoureuses sur John Millius, Bob Rafelson, James Cameron ou encore Grace Jones qu'il ne supportait pas sur Conan le Destructeur, sans oublier sa liaison adultérine avec Brigitte Nielsen. "Mon aventure avec Brigitte Nielsen n'a fait que souligner ce que je savais déjà: je voulais que Maria devienne ma femme."



"Si on n'avait pas Schwarzenegger, il faudrait l'inventer.John Millius

Si il y a un seul moment où il est franc, c'est sur le choix de Paul Michael Glaser en tant que réalisateur sur The Running Man, choisi parce qu'il était le seul libre du moment, peu importe qui il était ! Contrairement au passage sur le culturisme, son amour du cinéma ne parait pas si fort, et que ce n'est qu'une étape de plus pour devenir riche et célèbre, et surtout, ce qui revient constamment dans le livre, détenir du pouvoir. Ce qu'il fera en 2003 en devenant gouverneur de Californie deux fois de suite, où là, la passion semble l'emporter, et il est très précis dans ses souvenirs (la période est aussi plus proche), tout en ayant toujours un sentiment qui a l'air de l'enrager ; il ne peut pas se présenter à la présidence, car il n'est pas né sur le territoire Américain.

James Cameron, Arnold Schwarzenegger & Jamie Lee Curtis
sur le tournage de True Lies.

Ses amours, peu nombreux, sont aussi évoqués, et ce livre est aussi un chant d'amour à son ex-femme, Maria Schriever, et à ses quatre enfants, et il regrette profondément sa liaison avec sa femme de ménage, avec qui il a eu un enfant, constatant que c'est le plus grosse erreur qu'il ait jamais faite. "C'était arrivé alors que Maria et les enfants étaient en vacances et que je finissais le tournage de Batman & Robin" raconte l'acteur. "Mildred travaillait chez nous depuis cinq ans, et on s'est soudain retrouvés seuls dans la chambre d'amis. Au mois d'août suivant, quand Mildred a accouché, elle a prénommé le bébé Joseph et déclaré que le père était son mari." C'est ce Schwarzy a cru pendant de nombreuses années, avant de voir des photos du fameux Joseph. "La ressemblance était si flagrante que j'ai compris que c'était très certainement mon fils."

Si j'ai bien aimé lire cette biographie, surtout sa première vie dans le culturisme, le côté cinéma est vraiment décevant, car vraiment trop légèrement survolé. Par contre, on peut voir dans ce texte le parcours type du "rêve Américain". Quant à la soif de pouvoir, elle est évoqué de différentes manières ; en parlant de ses cachets dans ses films (où au début, il a multiplié par deux ses tarifs, jusqu'à atteindre trente-cinq millions de dollars pour Terminator 3 : Le Soulèvement des Machines), son amitié avec des économistes ou des hommes puissants, sa longue carrière dans l'immobilier parallèlement à celle de culturiste puis d'acteur "Mon but était d'être riche, et de le rester". Désormais, débarrassé de son costume de gouverneur, il est revenu en tant qu'acteur, et on peut y lire une forme de modestie, car il a l'air de se rendre compte que son époque bénie est désormais terminée.



"Quand je regarde ma vie, je me dis que j'ai été sacrément chanceux d'accomplir tout cela. Je dois même me pincer plusieurs fois pour y croire." Extrait d'un entretien au Figaro (1er Juillet 2015).


dimanche 21 février 2016

Deadpool (2016)

Projet de la dernière chance à Hollywood pour Ryan Reynolds. Le comédien canadien s'est battu contre vents et marées pour que les spectateurs puissent en profiter : Après une première apparition désastreuse dans X-Men Origins : Wolverine, l'acteur a voulu proposer une version de Deadpool telle que les amateurs de comics-book le connaissent. Irrévérencieux, outrancier, vulgaire, il n'est clairement pas dans les canons des films Marvel Studio proposés depuis lors.

Ce projet est en développement depuis de nombreuses années. En Mai 2000, Marvel Studio annonce un film Deadpool en partenariat avec Artisan Entertainment,  cela doit être le tout premier long-métrage produit sans l'aide de major. Cependant en 2004, la société change de crémerie en s'alliant avec New Line Cinema. Intrigue scénarisé par David S. Goyer - Auteur de la trilogie Batman de Christopher Nolan - avec dans le rôle principal Ryan Reynolds, mais ce projet d'adaptation est avorté en 2003, à cause de Blade : Trinity. Le scénariste d'X-Men Origins : Wolverine, David Benioff ayant pensé à tout, intègre cette grande gueule dans son récit, car entre temps 20th Century Fox rachète les droits du comics-book à Marvel Entertainment. En Mai 2009, après la sortie de la médiocre aventure du griffu, le studio annonce la mise en chantier de Deadpool. La productrice historique de la saga X-Men Lauren Shuler Donner annonce qu'il s'agit d'un reboot du personnage et qu'il se rapprochera plus de l'esprit du comics-book... De toute manière X-Men : L'Affrontement Final & X-Men Origins : Wolverine, ne font plus partie de la continuité.

En Janvier 2010, 20th Century Fox embauche deux scénaristes, Rhett Reese & Paul Wernick, responsable de Bienvenue à Zombieland. Rapidement une première ébauche du scénario fuit sur internet, les retours des amateurs du comics-book sont assez positifs, le studio débloque alors un petit budget pour des séquences tests. En parallèle Robert Rodriguez reçoit le script mais après plusieurs négociations, le cinéaste refuse de participer à l'aventure. Le nom du clipper Adam Berg est sérieusement évoqué mais finalement en Avril 2011 c'est Tim Miller, spécialiste des effets-spéciaux, qui remporte la mise comme réalisateur du projet Deadpool.

Les fameuses séquences tests crées en 2012 par Blur Studio, avec Ryan Reynold en motion-capture, sont divulguées sur la toile pendant l'été 2014. Devant les nombreux retours enthousiastes de ce mini-clip, 20th Century Fox annonce la mise en chantier immédiate du long-métrage avec comme date de sortie le 12 Février 2016. Entre temps Simon Kinberg confirme que Deadpool fera partie de l'Univers cinématographique X-Men.

Au cours des longues années de développement, Rhett Reese & Paul Wernick ont rédigé d'autres versions, y compris un récit PG-13. L'un des scénaristes estime "environ soixante dix pour cent du projet initial a fini dans le long-métrage". Suite aux nombreuses modifications, la production de Deadpool a dû faire un choix draconien dans les différents adversaires ou alliés de la grande gueule de Marvel Comics à cause de problèmes budgétaires, adieux CannonBall - Rocket en Français - & Garrison Kane d'X-Force. Ce dernier est supprimé à cause de ses armes cybernétique ingérable en C.G.I pour cette petite production.

Initialement un adversaire supplémentaire de taille est également évoqué par la production, il s'agit de Cable - Le fils de Cyclope & de Madelyne Pryor. Son apparition est supprimé, 20th Century Fox préfère réserver ce célèbre mutant pour une suite potentielle.  

Lors du leak sur internet de la fameuse séquence test, bien que le studio a donné son "green light", la major hollywoodienne suspectant son comédien demande donc à Ryan Reynold d'où vient cette fuite. "Je l'aurais fait, si j'avais su qu'il causerait de ça ! … Maintenant, nous sommes arrivés à faire Deadpool. Nous recevons pas le même budget que la plupart des films de super-héros, mais nous faisons ce que l'on souhaite". En parlant d'argent, Rhett Reese déclare même que le projet se retrouve réduit à la dernière minute de sept millions de dollars, forçant ainsi les scénaristes à effectuer de nombreuses réécritures.

L'ancien mercenaire Walde Wilson devient Deadpool à la suite d'une lourde expérience médicale. Doté d'un pouvoir de régénération surhumain et d'un humour noir sans limite, notre super-héros se lance à la poursuite d'Ajax ou de Francis, l'homme qui a détruit sa vie. Dans sa quête de vengeance il sera aidé malgré lui par deux X-Men : Colossus & Negasonic Teenage Warhead.

Après Les Gardiens de la Galaxie de Marvel Studio, voici que la maison des idées nous refait le coup du Walkman, cette petite touche de nostalgie, ode à la hype du héros cool qui met en pièce ses adversaires ou qui embrasse sa dulcinée sous de la musique eighties. C'est d'une originalité… Nouveau poulain pour sa première aventure sur grand écran, Deadpool arrive enfin au cinéma pour casser la baraque avec son Rated.

Depuis plusieurs années maintenant, DC ComicsMarvel Comics se livre un combat sans répit pour goinfrer le spectateur de super-héros. Pour se différencier les deux maisons d'éditions ont choisi d'inscrire leurs productions dans deux tonalités opposées. D'un côté, vous avez le sérieux, le charisme sombre de DC Comics emmené par le duo Christopher Nolan / Zack Snyder, et de l'autre, vous avez l'esprit ricanant de Marvel Comics, un humour auto référencé qui fait fortune au box-office avec le Marvel Cinematic Universe.

Le premier long-métrage de Tim Miller raconte une énième histoire d'origine monotone et sclérosé par l'archétype Marvel Comics. Pour sa première aventure solo au cinéma Deadpool se retrouve aseptisé comme Wolverine. Notre héros est loin de Rorschach de Watchmen - Les Gardiens, de son nihilisme, de cette solitude haineuse, ; Deadpool n'a pas l'humour noir d'un Ben de C'est arrivé près de chez vous ni la folie sanguinaire enfantine d'Hit Girl de Kick Ass, ni l'indépendance geek d'un Scott Pilgrim. Il n'est qu'un simple produit de plus de l'écurie Marvel Comics, un faux antihéros qui rentre dans le rang pour sauver l'humanité.

Deadpool, ou Walde Wilson, est un mercenaire au passé accablant, qui menace des ados pré-pubères, et qui se voit diagnostiquer un cancer et essaye de sauver sa vie grâce à une clinique clandestine mais l'expérience rate et son corps crame.  Sauf qu'il veut se venger et retrouver son apparence d'avant pour reconquérir sa belle. Notre héros est un sociopathe, c'est dommage que Deadpool n'aille pas au bout de son idée, et s'oblige à sortir les violons dans des moments d'émotions dans un long-métrage qui se veut l'inverse. Rire de soi, se désolidariser d'une mouvance ostentatoire, démystifier l'aura pompeuse des super-héros, c'est l'esprit d'un film, qui à travers son personnage est entre deux eaux : Faire un film de super-héros ou ne pas faire un film de super-héros, that is the question ?! Et c'est le souci ici, à l'image de cette romance qui symbolise l'imposture : On passe du god-ceinture potache amusant qui se défait du stéréotype du mâle alpha, aux scènes lacrymales habituelles lors de l'annonce du cancer ou des retrouvailles de fin où le physique ne comptera plus, où l'amour triomphera. Contradiction vous avez dit ?!.

Tout de même, Deadpool a quelques cartes dans sa manche pour plaire, comme son introduction décomplexée et jouissive, où les crédits habituels du générique sont remplacés par des adjectifs comme "crétin", "abruti", "con", "débile"… sous fond d'Angel of the Morning de Juice Newton. N'oublions pas son esprit pop-corn non dissimulé, son côté anti-spectaculaire efficace, mais le long-métrage de Tim Miller ne dépareillera en rien avec l'écriture habituelle du concurrent Marvel Studio, avec ses méchants navrants comme Ajax / Francis interprété par Ed Skrein sosie de Jay Courtney (Terminator Genesys, Die Hard : Belle Journée pour Mourir) avec encore moins de charisme, ses super-héros de pacotille (Colossus et son discours moralisateur sur les super-héros qui ne sert que de runing-gag à la fausse irrévérence de notre héros), ses personnages secondaires qui ne servent de faire valoir humoristique (le néanmoins drôle taxi indien), cette mise en scène qui manque clairement de souffle et sa photographie d'une laideur low cost assez confondante digne d'un Direct-To-video de Steven Seagal.


Quant à l'humour, il faut l'avouer ce n'est pas très fin, et souvent référentiel (dont une blague sublime sur Gandalf du Seigneur des Anneaux et une séquence de "combat" démembré contre Colossus rappelant Sacrée Graal des Monty Python). Mais ce long-métrage est clairement l'oeuvre que les amateurs du comics-book attendait, les quotas de pulvérisation du quatrième mur, de références, de blagues en tout genres, de sous entendus salaces… Et ce Deadpool ne manque pas d'autocritique sur lui-même "Quoi ?! Que deux X-Men ? On avait pas le budget pour plus ?".



De nombreux clins d'oeil et références à la Pop-Culture sont inclus, voici une petite liste non-exhaustive .

- Avant même que Deadpool ne commence vraiment, on peut voir une image d'un personnage habillé en Green Lantern. À la clinique pour subir sa transformation, Wade Wilson demande qu'on ne lui donne pas un costume de super-héros vert et sans effets spéciaux numérique "Pitié, ne me mettez pas un costume vert… ni en image de synthèse !". Bien évidemment il s'agit d'un clin d'oeil au rôle de Ryan Reynolds dans Green Lantern.

- Walde Wilson tient au début du film, pendant quelques instants, une petit figurine qu'il jette avec un certain désintérêt. Il s'agit de Deadpool lui même mais l'horrible version X-Men Origins : Wolverine. Lors de la conclusion finale, notre héros retire sa cagoule pour montrer son visage à sa douce Vanessa, il porte un masque en papier l'effigie d'Hugh Jackman qui interprète le griffu Wolverine dans saga X-Men.

- Toujours dans la franchise des mutants, lorsque Colossus veut emmener Deadpool au manoir des X-Men pour qu'il voit le Professeur Xavier, notre grande gueule demande "Patrick Stewart ou James McAvoy ? On s'y perd un peu dans leur continuité !" en référence aux deux comédiens qui ont incarné le célèbre chauve de l'univers Marvel Comics.

- Pour les cinéphiles & mélomanes : Après avoir fait un cauchemar, Wade Wilson dit à Vanessa qu'il a rêvé que la fille de Liam Neeson se faisait enlever. Bien sur cela renvoie à la série de film Taken. Quand Deadpool voit pour la première fois Negasonic Teenage Warhead, il compare la jeune fille à la chanteuse Sinéad O'Connor, puis à Ellen Ripley d'Alien 3. Notre héros se mutile la main avec un clin d'oeil à 127 heures. Enfin, lors de la scène post-générique, le psychopathe de Marvel Comics fait une référence au long-métrage La Folle Journée de Ferris Bueller, reprenant le peignoir de Matthew Broderick et le décors, ainsi que les premières phrases de la scène. Ryan Reynolds change cependant légèrement la fin, parlant alors de Samuel L. Jakson dans le rôle de Nick Fury dans le Marvel Cinematic Universe.

- Lors de l'affrontement final contre les mercenaires se déroulant dans l'épave d'un aéroporteur du Shield. Pan de la mythologie Marvel Comics & de Marvel Studio appartenant pourtant à Walt Disney Company. Deadpool tombe sur un de ses anciens amis appelé Bob, clin d'oeil à Bob de l'Hydra. 

Concept-Art de l'aéroporteur du Shield présent dans Deadpool.

Comme dans son propre comics-book, notre héros brise sans cesse le fameux quatrième mur. Deadpool est conscient d'être dans un film et ne cesse de parler face caméra. 

Avec un Ryan Reynolds sans doute dans le rôle de sa vie. Alors en pente descendante à Hollywood, le comédien s'est battu comme un lion pour incarner Deadpool, et il faut dire que si, en temps normal, il ressemble à un blanc-bec, sous le masque du héros, il devient complètement fou. Il y a des personnages tout aussi barrés comme Blind Al, interprétée par Leslie Uggams (Poor Pretty Eddie), sa femme de ménage aveugle dont la passion est de monter des meubles Ikéa ! N'oublions pas la sublime Morena Baccarin (Homeland), en tant que femme de Wade Wildon.

Deux caméos sont visibles lors de la scène dans le club de striptease. Ce bon vieux Stan Lee & Rob Liefeld, co-créateur du personnage.

S'inscrivant dans une veine moins pragmatique et plus humaine du super-héros, qui ne sur-joue jamais le trauma, Deadpool est souvent bourré de surprises, y compris annales, et c'est peut être ce qui manquait aux récents films adapté de comics-book, ce ton sérieux aseptisé. Une franche rigolade, jusqu'au boutiste et finalement, ça fait du bien ! On pourra regretter que le budget réduit emmène le spectateur dans des décors à peau de chagrin (en gros, une casse et un bout d'autoroute), un méchant peu charismatique et inintéressant, une conclusion à contrario de la grande gueule de Marvel Comics… Mais au fond, ça reste une très bonne surprise ! Au faite chère lectrice & lecteur, "tu as quelque chose de coincé entre tes dents !".


vendredi 5 février 2016

Batman : The Dark Knight Returns, partie II (2013)

Devant la richesse de l'une des oeuvres du renouveau du "9ème Art" Américain, Warner Premiere prend la bonne décision de scinder The Dark Knight Return en deux Direct-To-Video. (Critique de Batman : The Dark Knight Returns partie 1)

Nous sommes en 1986. Le petit monde du comics-book Américain est sclérosé. Les super-héros n'ont plus le succès d'antan. Cette situation s'apprête à changer du tout au tout. Un auteur génie enfonce le clou et choisit de remuer les lecteurs Américains. Il s'appelle Frank Miller. Auteur de Ronin ou du renouveau de Daredevil, il s'attaque à une autre légende : Batman. À la fois scénariste et dessinateur, il accouche d'un électrochoc, d'un monument The Dark Knight Returns. Une bande-dessinée immensément noire, déconstruisant le mythe du justicier adulte, réfléchie, percutante, qui à passionnée quatre vingt-cinq milles lecteurs… Après ce chef-d'oeuvre du 9ème Art, rien n'a plus été pareil..

Depuis quelques années Warner Bros Animation propose annuellement des Direct-To-Video originaux ou des adaptations de célèbre comics-book comme Batman : Year One ou Killing Joke. Ces œuvres sont destinées à un public adulte, la classification aux États-Unis est PG-13. The Dark Knight Returns est produit par Bruce Timm, l'homme à tout faire sur la série télévisée des années 90, Batman : The Animated Serie.

Quant à l'animation, celle-ci est confiée à Moi Animation. Fondé en 1998, cette branche de la célèbre société sous-traitante Coréenne, D.R Movie, travaille régulièrement sur certains nombres de projets comme sous-traitant avec par exemple les studios Japonais, Madhouse ou 4°c, ainsi que de nombreuses majors Américaines comme Warner Bros Animation ou Marvel AnimationMoi Animation à notamment participé à des séries comme Spawn pour HBO - et accessoirement leur première création -, Avatar, le dernier maitre de l'airUltimate Spider-Man...

Le réalisateur Jay Olivia a débuté comme animateur en 1996 sur Spider-Man, l'Homme Araignée de Fox Kids. En 1997, il part chez Sony Pictures Animation où il travaille au storyboard de nombreuses séries : Extrême Ghostbuster, Godzilla & Jackie Chan. Après cinq années de bon et loyaux services, il quitte la firme japonais pour participer à la série récente d'He-Man and the Master of Universe diffusé sur Cartoon Network. Il s'occupe des storyboard de la première saison de The Batman, avant de revenir chez Sony Pictures Animation pour la dernière saison de Jackie Chan. Dès 2005, Jay Olivia collabore sur plusieurs projets d'adaptations de DC Comics comme Teen Titans : Les Jeunes Titans &La Ligue des Justicier. Cependant le cinéaste participe également aux Direct-to-Video de Marvel Animation : The invincible Iron-Man, Doctor Strange The Sorcerer Supreme & Next Avengers : Heroes of Tomorrow. Pour Man of Steel, l'animateur dessine pour la première fois des storyboards pour le cinéma, il renouvellera cette expérience pour Batman V Superman : L'Aube de la Justice.


Le Chevalier Noir, avec à ses cotés la jeune et courageuse Carrie Kelly dans le costume de Robin, a enfin réussi à reprendre le contrôle de Gotham-City, une leur d'espoir émerge au milieu de la terreur du "Gang des Mutants". Depuis la dissolution de ce groupe de malfrat, un vieil ennemi du passé ressurgit ! La forte couverture médiatique de Batman a réveillé un démon bien plus dangereux : Le Joker ! La mésis du Caped-Crusader a un plan maléfique. Pendant ce temps une catastrophe se profile à l'horizon, et avec elle arrive un visage bien connu : l'Homme d'Acier.

Lorsqu'on visionne The Dark Knight Returns, c'est cette volonté affirmée dès le départ par Frank Miller de rebâtir le mythe de Batman pierre par pierre. L'auteur n'a pas prévu de simplement déplacer l'univers dans le temps, il veut aussi changer totalement l'image de Batman. Pour cela, il écrit quatre actes consacrés chacun à un arc scénaristique en particulier : Harvey Dent, le Gang des Mutants, Le Joker et enfin Superman. Comme pour toute mécanique d'horlogerie, chaque partie a son propre but, ses points marquants et ses interrogations. Non content de cela Frank Miller appuie l'entièreté de son récits sur des fils rouges aussi essentiels qu'incroyablement fort.

Le président des Etats-Unis,
caricature de Ronald Reagan.

Avec les deux dernières parties, on appuie encore un peu plus sur l'aspect politique de l’œuvre de Frank Miller. En véritable brûlot politique, The Dark Knight Returns expose des dirigeants lâches et qui font faire le sale boulot par les autres. Aucun ne se risque à prendre position sur "l'affaire Batman" jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucun danger à le faire. On voit dans cette oeuvre un président Américain - caricature de Ronald Reagan - imbécile et belliciste, fort de son pouvoir mais pauvre d'esprit. L'auteur fustige l'Amérique et ne cède pas à la mode du politiquement correct.


Comme pour Watchmen - Les Gardiens, l'intrigue de The Dark Knight Returns se passe en pleine Guerre-Froide. Point d'horloge de la fin du monde ici, les troupes Américaines, aidées par l'Homme d'Acier, envahissent alors la petite île communiste du Corto Maltese. La réplique Russe est d'envoyer une bombe nucléaire sur les États-Unis, bien évidement Superman est là pour l'intercepter mais l'explosion provoque un hiver nucléaire sur le continent Nord-Américain Nous sommes en 1986, à la manière d'Alan Moore, Frank Miller se questionne sur la conclusion de ce conflit entre les deux grands blocs Est & Ouest ?!

S'il positionne deux femmes dans l'intrigue, c'est pour mieux les discréditer. Ellen Yindel, le nouveau commissaire n'est qu'un pion et Carrie Kelly, la nouvelle Robin n'est qu'une jeune écervelée groupie de Batman. La société fait émerger le principe de "la femme émancipée" alors qu'au final se sont les hommes qui le font croire. Elles se sont laissées piéger et s'en retrouvent toujours aussi inutiles. C'est aussi les jeunes, malléables et imbéciles qui sont décriés par leur propension à se faire embobiner par le premier venu. Seul possibilité, canaliser leur violence dans un but meilleur… avec les risques de l'extrémisme non loin. Toute l'oeuvre de Frank Miller joue sur le fil.


Les fameux journaux télévisés
qui parcourt l'intrigue
L'autre point essentiel de The Dark Knight Returns, c'est la place prépondérante des médias. Tout au long du récit, une très large part de la narration passe par le journal télévisé. Cette constante intervention médiatique fausse l'image du héros et conduit à sa marginalisation et donc son recours aux méthodes extrêmes ainsi qu'aux affrontements avec la police. Mal employée comme elle l'est, la télévision devient peut-être le plus dangereux ennemi de l'homme. La démonstration de Frank Miller s'avère aussi terrifiante que visionnaire. Terriblement visionnaire. Il en profite également pour étriller ce courant d'analyse psychiatrique absurde et fustiger ceux qui trouvent des excuses envers les monstres de la société. Virulent discours mais discours juste et qui ne cessera de se justifier au fur et à mesure de l'intrigue.

D'après le célèbre Docteur Wolper responsable de l'ancien asile d'Arkham, devenu un "foyer pour les victimes du trouble du comportement" : "Vous devez garder à l'esprit que cet homme - Le Joker - n'est pas responsable des assassinats qu'il a commis. C'est une malheureuse victime de l'obsession psychotique de Batman.  […] Sans le moindre doute possible, c'est un sociopathe victime d'un complexe d'obsessivo-compulsif du héros narcissique ultra-violent. Un véritable cas d'école…". Le fameux psychiatre en quête de notoriété dit au Joker avant son passage dans un Late-Show, tout en regardant le public de l'émission : "Ça fait quelque chose, hein ?! À chaque fois que je vois ça, je me dis que finalement j'ai réussi dans la vie".

Le Docteur Wolper et "son patient favori".

Pour achever de façon éclatante son récit, il manque encore deux choses à Frank Miller. D'abord, il ne pouvait pas parler de l'homme chauve-souris sans lui faire affronter son pire ennemi, Le Joker. Depuis la retraite de Batman, le clown est confiné à l'asile. Et lorsque son adversaire refait surface, il reprend vie. Car Le Joker n'est plus rien sans sa Némésis. Il mettra le justicier à rude épreuve et le confrontera durement à l'extrême limite qui les sépare, le meurtre. Le Joker, à l'image de son ennemi, devient de plus en plus violent et destructeur. Dans son sillage ne reste que la mort, Batman doit se résoudre à l'impensable. Poussant son héros dans ses derniers retranchements, Frank Miller s'oriente dans une dernière voie capitale après cette confrontation.

"On se reverra en Enfer !"
Le Joker de The Dark Knight Returns, et à mille lieux du clown génie du crime de l'âge d'or du comics-book. Pour la première fois on présente Batman responsable de son existence, Frank Miller est le premier à dire : Le Joker est dépendant du Caped Crusader. Le psychopathe semble avoir une attirance à peine voilée pour le Chevalier Noir. Il le traite en amant. Il l'appelle "Chéri", il lui dit "je t'aime". C'est très intéressant, car de son point de vue, rien n'est sous-jacent chez lui.

Le Joker apparait comme un être pansexuel, une orientation sexuelle caractérisant des individus potentiellement attirés sexuellement et/ou sentimentalement par d'autres. Le clown maléfique est une rock star, rétrospectivement, c'est évident qu'il s'agit de David Bowie. Tous les éléments sont là. David Bowie a explosé dans les seventies, avec le Glam Rock, Frank Miller a pu réfléchir à des aspects jusque-là inexplorés du Joker :  La représentation, l'homosexualité, le travestissement…

Outre Le Joker & James Gordon, le spectateur re-découvre d'autres personnages dans cette deuxième partie. Humphrey Dumpler (Humpty Dumpty) et ses jouets mécaniques, homme au gabarit imposant avec une tête en forme d'oeuf (d'où le surnom) devient complice du Joker. Selina Kyle, l'ancienne Catwoman et amante de Bruce Wayne, est devenue mère maquerelle d'une agence d'escorte portant son nom. Quant à Alfred Pennyworth, le célèbre majordome est victime d'une attaque cardiaque pendant la destruction du manoir Wayne… Une scène d'une certaine mélancolie.


Si The Dark Knight Returns, s'est taillé une si grande réputation, c'est aussi pour le célèbre affrontement des comics-book Américains qui oppose Batman à Superman. Ce dernier, au contraire de Bruce Wayne, n'a pas vieilli et se trouve en pleine possession de ses moyens. Pourtant, Frank Miller nous présente ce héros de l'âge d'or comme un outil du gouvernement, un toutou du président. On comprend rapidement que pour continuer leur exercice, les héros ont dû se soumettre aux autorités ou prendre leur retraite (Une idée reprise bien plus tard pour le fameux Civil War de Marvel Comics). L'Homme d'Acier s'affiche comme un play-boy obéissant docilement. Quand Batman menace l'équilibre de la nation, c'est naturellement Superman qu'on envoie. Avec l'aide de Green Arrow, le Caped-Crusader s'y oppose… Et va mettre au héros de Metropolis la plus cuisante des corrections. L'auteur porte sa destruction du mythe jusqu'à ce moment précis où l'homme bat le super-héros, où Batman a ses mains autour de la gorge de Superman. Après cette confrontation épique, rien dans l'univers du comics-book Américain ne sera plus jamais pareil.

"Je veux que tu n'oublie jamais ça ! Ce qu'il en coûte de se dresser sur mon chemin. Pour toute les années à venir et dans tes moments les plus intimes. Je veux que tu te souviennes du seul homme sur cette Terre, qui t'es battu !"


Jay Olivia fait le bon choix de créer sa propre mise en scène, se réappropriant la narration tout en restant extrêmement fidèle au comic-book de Frank Miller. Si au final ce résultat reste inférieur à la version papier, forcément ici The Dark Knight Returns est édulcoré et moins féroce politiquement. Cette adaptation conserve heureusement toute la noirceur et l'intérêt. L'un des points faibles vient de l'absence "des pensées" qui enrichissait énormément les différents protagonistes et leurs actions. Pourtant cette idée avaient été gardé dans l'adaptation de Batman : Year One.


La musique de Christopher Drake  accompagne à la perfection les scènes principales, l'atmosphère dégagé par sa musique est sombre et héroïque.

De plus, ce métrage bénéficie de la présence de comédiens prestigieux qui jouent de façon très convaincante : Ainsi, le grand Peter Weller, Le RoboCop, incarne à la perfection ce vieux Bruce Wayne vivant sa renaissance dans la peau de Batman, Michael Emerson (Benjamin Linus de Lost : Les Disparus) est excellent en Joker, David Shelby (Quentin Collins de la série télévisée Dark Shadow) son timbre colle à la perfection sur James Gordon. Et l'Homme d'Acier est interprété par Mark Valley (John Scott dans Fringe).

Pour la version Française et les nostalgiques, nous retrouvons deux vétérans de Batman : The Animated Serie. Jacques Ciron en éternel Alfred Pennyworth & Jean-Claude Sachot interprète le commissaire James Gordon.


On pourrait penser qu'après la publication de The Dark Knight Returns, les comics-book n'ont jamais été les mêmes. Hélas de nombreux lecteurs lambda, dans un élan de mauvaise foi extraordinaire, taxèrent les œuvres de Frank Miller & Alan Moore de "grim'n gritty" - sombre et graveleux -, ce qui a ralenti fortement l'évolution du genre pendant de nombreuses années, obligeant une grande partie du public à supporter les boursoufflures infantiles qui pullulent de nos jours sur les étagères des libraires spécialisés. Mais cette œuvre possède encore bien des qualités, l'intrigue prends aux tripes, et emmène le spectateur dans cette vision noire de la vie urbaine et dans cette force de la nature qu'est Bruce Wayne… La montée en puissance va culminer sur un combat monstrueux et fratricide entre Batman & Superman, dans lequel Frank Miller démontre qu'il n'a pas utilisé le médium du super-héros de manière biaisée, et qu'il est également là pour explorer les ressorts mythologiques. Et puis pourquoi ne pourrait-on pas imaginer, que Frank Miller soit un des génies du 9ème Art ?

Couverture Originale

Batman : The Dark Knight Returns, partie I (2012)

Nous sommes en 1986. Le petit monde du comics-book Américain est sclérosé. Les super-héros n'ont plus le succès d'antan. Cette situation s'apprête à changer du tout au tout. D'abord grâce à Watchmen - Les Gardiens de l'Anglais peu connu Alan Moore, celui-ci malmène le mythe des héros en collant et révolutionne le genre

La même année. Un autre génie enfonce le clou et choisit de remuer les lecteurs Américains. Il s'appelle Frank Miller. Auteur de Ronin ou du renouveau de Daredevil, il s'attaque à une autre légende : Batman. A la fois scénariste et dessinateur, il accouche d'un électrochoc, d'un monument The Dark Knight Returns. Une bande-dessinée immensément noire, déconstruisant le mythe du justicier adulte, réfléchie, percutante, qui à passionnée quatre vingt-cinq milles lecteurs… Aujourd'hui encore, son oeuvre reste l'une des dix meilleures histoires sur le Caped-Crusader, et un récit qui prend aux tripes de la première à la dernière page. Après ce chef d'oeuvre du 9ème Art, rien n'a plus été pareil...

Depuis quelques années Warner Bros Animation propose annuellement des Direct-To-Video originaux ou des adaptations de célèbre comics-book comme Batman : Year One ou Killing Joke. Ces œuvres sont destinées à un public adulte, la classification aux États-Unis est PG-13. The Dark Knight Returns est produit par Bruce Timm, l'homme à tout faire sur la série télévisée des années 90, Batman : The Animated Serie

Gotham-City. Ses tours. Ses nuits sans étoiles. Ses criminels... Mais les choses ont changé. Dans son manoir, Bruce Wayne a vieilli. Terriblement vieilli. Batman n'est plus, cela va faire dix ans qu'il a pris sa retraite. Ses vieux ennemis, Le Joker, Pile-ou-Face, sont internés dans l'ancien asile d'Arkham, devenu depuis un "foyer pour les victimes du trouble du comportement". Ses amis eux aussi ont subi les outrages du temps, le commissaire Gordon doit très bientôt prendre sa retraite. Mais avant cela, le taux de criminalité a explosé dans la mégalopole, la cause ?! un nouveau groupe de criminels appelé le "Gang des Mutants". Un rassemblement de jeune mené par un leader belliqueux et brutal. Dans le même temps, Harvey Dent ressuscité par l'aide d'un psychiatre et d'un chirurgien plastique qui lui redonne un visage, un vrai, un seul. Et dans la cité de Gotham-City, dans la nuit, Bruce Wayne ne cesse de revenir sur le lieu, Crime Alley, où Batman est né. Le milliardaire repense à la mort de ses parents ainsi qu'à la vague de crime qui s'est abattue sur sa ville. Bruce n'est plus lui même depuis la retraite de son alter-égo héroïque. Et si le Chevalier Noir faisait son grand retour ?


Tout commence par la vision d'un Bruce Wayne usé par l'âge. Pour déconstruire l'image du justicier de Gotham-City, Frank Miller place son récit dans la retraite de Batman. Le spectateur assiste ainsi à un étrange spectacle en voyant ce héros diminué et perclus de tous les maux de la sénescences. En outre, on redécouvre d'autres personnages tels que James Gordon ou encore Harvey Dent. Tout à changé, rien n'est plus pareil... C'est cette première impression qui surprend quand on visionne The Dark Knight Returns, cette volonté affirmés dès le départ par l'auteur de rebâtir le mythe de Batman pierre par pierre.

Frank Miller ne se contente pas d'une projection dans l'avenir du personnage pour mettre un point ultime à son histoire avec Le Joker. Il fait le constat d'une ville meurtrière où chaque individu est une victime potentielle qui viendra grossir les statistiques de la criminalité, dans une ambiance paranoïaque qui rappelle des passages désespérés des romans de Patricia Cornwell

Le premier acte, c'est évidemment la nature de Batman lui-même. Frank Miller dévoile avec sa vision vieillie du justicier un héros devenu amer et de plus en plus extrémiste. le Chevalier Noir choisit de faire mal, de ne plus prendre de précautions pour épargner les criminels qu'il pourchasse. De ce fait, l'oeuvre est un récit extrêmement violent, à l'image de son principal acteur. Pourtant loin de contenter de cette vision simpliste, Frank Miller approfondit son propos.

D'abord par l'histoire avec Harvey Dent. A l'instar de Pile-ou-Face, les changements superficiels n'ont pas réussi à effacer la véritable nature de Batman. Que ce soit la chirurgie pour l'un où les années pour l'autre, ils restent toujours au fond d'eux ces monstres inadaptés à la vie ordinaire. L'un verse dans le crime, l'autre emploie sa violence pour combattre le mal. Cette brutalité pourtant n'est qu'un reflet. Celui d'un monde où elle s'est banalisée. La criminalité a changé, la population s'enferme à double tour chez elle. The Dark Knight Returns a des similitudes avec le RoboCop de Paul Verhoeven (sorti également en 1986, d'ailleurs Frank Miller travailla comme scénariste sur les deux suites du cyber-policier), pour sa lecture intelligente de l'actualité et sa critique envers la société Américaine. 

Frank Miller en profite également pour étriller ce courant d'analyse psychiatrique absurde en traitant de manière frontale les dérives psychologiques (le cas Double-Face) et dénonce avec violence les psychiatres qui trouvent des excuses envers les monstres de la société.


À travers cette histoire de "vigilante" vieillissant qui reprend du service après une longue retraite, Frank Miller explore le thème de la radicalisation, qui touche les seniors dans nos bonnes sociétés démocratiques, où sont sans cesse remises en question les notions de justice et leurs corollaires, le laxisme, la répression, la bien-pensance, le fascisme.


The Dark Knight Returns évoque également un conflit générationel entre les hommes qui se sont fait pendant la Seconde Guerre Mondiale et ceux qui les succèdent dans cette Amérique moderne. Comme ce dialogue entre James Gordon et sa future remplaçante Ellen Yindel concernant les agissements de Batman :

Ellen Yindel : "En fait, je vous admire depuis que je suis toute petite. Mais je m'explique pas nos divergences quant à Batman."

James Gordon : "Ne parlons pas de Batman voulez-vous ?"

Ellen Yindel : "Je ne comprend pas que vous cautionniez un justicier. Nous devons appliquer la loi !"

James Gordon : "Vous avez sûrement entendu des vieux comme moi parler de Pearl Harbor. Nous racontons que nous nous sommes levés comme un seul homme juste après pour aller régler son compte à l'Axe ! La vérité, c'est qu'on était paralysé par la peur ! Les rumeurs circulaient. Nous n'avions pas d'armée, on se terrait tous au fond de nos lits avec nos draps sur la tête ! Et ensuite, on a entendu le discours du président Roosevelt à la radio. Sa voix était ferme. Il était fort et sûr de lui. Et c'est là qu'il a transformé notre peur en courage et en combativité. C'est grâce à lui qu'on a gagné la guerre. Des années après, la rumeur circulait que Roosevelt était au courant de l'attaque et qu'il avait laissé faire. J'avoue que ça m'a retourné. Je me disais que si cette histoire était vraie, c'était horrible. Mais encore une fois, c'est ce qui nous a fait prendre part au conflit. Des milliers d'hommes sont mort ce jour-là, mais au final, ça a sauvé la vie de millions d'autres. Ça m'a trotté dans la tête jusqu'à ce que je réalise que je n'étais pas de taille à juger l'événement et encore moins l'homme. Que ça me dépassait."

Ellen Yindel : "Je ne vois toujours pas le rapport avec Batman."

James Gordon : "Ça viendra peut-être un jour."

Le fameux complot de Pearl Harbor dont parle James Gordon est une fumisterie très controversée qui affirme que le Président Roosevelt était au courant de l'attaque et que celui-ci laissa faire pour provoquer l'indignation de la population et faire entrer les États-Unis dans la guerre. Cette théorie fut avancée par les officiers déchus par les différentes commissions d'enquêtes sur l'assaut Japonais contre la base Américaine.


Frank Miller n'a jamais fait mystère de sa fascination pour les armes à feu et de son obsession pour la violence et la sécurité. L'épisode avec "le Gang des Mutants" montre que la violence a tout envahi et sert d'exutoire à la jeunesse en mal de repères, d'icônes. Cela ne vous fait pas penser à l'actualité contemporaine avec DAESH ?! Batman apparaît comme une alternative au chef des Mutants, mais au risque de tomber dans un extrémisme et un endoctrinement des jeunes.

Le fascisme n'est jamais loin. Le paradoxe ne fait que s'accentuer quand on revient sur Batman lui-même. Au fur et à mesure, il se fait plus sombre et désespéré. Le Chevalier Noir ne trouve plus d'autre plaisir de vivre que de se battre. Sa sortie de retraite le fait revivre. Le milliardaire a besoin de Batman comme Gotham a besoin de son héros nocturne. Car sa croisade contre le mal, son obsessif combat contre les criminels a besoin d'être assouvi d'une façon ou d'une autre. Au fond, Bruce Wayne ne pense qu'à lui et qu'à ce qui a construit son univers depuis la mort de ses parents, et qui s'est encore renforcé avec la mort de Jason Todd, le second Robin, Batman se résume en plusieurs mots : Ambigu, violent, ténébreux et extrémistes.

Et par dessus cela, une nouvelle couche de politique s'ajoute

La récupération des actes de Batman est donc en route. le maire de Gotham-City, dans un vent de démagogie, commence à vouloir négocier avec le leader du "Gang des Mutants", les politiciens de la mégalopole sont des couards alors que ses malfrats se répandent dans la mégalopole.


L'auteur de The Dark Knight Returns n'a jamais caché ses opinions Républicaines et conservatrices, le discours de son oeuvre déplaira certainement à celles et ceux qui ont le coeur à Gauche. Quand un badaud est interviewé par une chaîne de télévision au coin d'une rue, il déclare "On devrait défendre les droits des criminels, ces gens sont victimes du cadre dans lequel ils vivants, et méritent d'être réinséré s avec notre aide… hein ?… Ah non, je ne suis pas de cette ville !".

L'autre point essentiel de The Dark Knight Returns, c'est la place prépondérante des médias. Tout au long du récit, un très large part de la narration passe par le journal télévisée. Le vaste "Gang des Mutants" met donc Gotham-City à feu et à sang. Les flash des chaînes d'informations relaient leurs moindres exactions avec moult détails sordides - meurtres d'enfants, tueries gratuites…, la police est dépassée par les événements. Cela n'a bien entendu rien d'innocent. Déjà en 1986, Frank Miller s'attaque virulemment à la télévision. Il emploie ici dans deux buts principaux : Offrir une vision de la réaction vis-à-vis de Batman et détruire ce média infiniment nuisible.

 
Frank Miller utilise l'hégémonie de la société du spectacle pour tourner en ridicule l'utilisation des plus bas instincts de l'homme pour faire de l'audience. Dans ce contexte, la résurgence de Batman s'apparente à un retour à des valeurs traditionnelles à l'opposé des paillettes et du mercantilisme outrancier d'un capitalisme impitoyable. 


Ainsi, on voit s'opposer différent protagonistes (dont Lana Lang de Superman) sur l'écran autour du comportement à adopter au retour de Batman. Mais cette constante intervention des médias fausse l'image du héros, la télévision devient peut-être le plus dangereux ennemis de l'homme ?!  L'utilisation de ces talk-shows est magistrale. Le spectateur assiste donc en direct à la récupération des actions de Batman par l'industrie de la télévision. Non seulement ce dispositif narratif nous permet de mesurer l'impact de Batman dans la société Américaine, mais aussi les différentes valeurs morales qui vont se cristalliser face à cette légende urbaine... La démonstration de Frank Miller s'avère aussi terrifiante que visionnaire. Terriblement visionnaire.


Quant à l'animation, celle-ci est confiée à Moi Animation. Fondé en 1998, cette branche de la célèbre société sous-traitante Coréenne, D.R Movie, travaille régulièrement sur certains nombres de projets comme sous-traitant avec par exemple les studios Japonais, Madhouse ou 4°c, ainsi que de nombreuses majors Américaines comme Warner Bros Animation ou Marvel Animation. Moi Animation à notamment participé à des séries comme Spawn pour HBO - et accessoirement leur première création -, Avatar, le dernier maitre de l'air, Ultimate Spider-Man...

Le réalisateur Jay Olivia a débuté comme animateur en 1996 sur Spider-Man, l'Homme Araignée de Fox Kids. En 1997, il part chez Sony Pictures Animation où il travaille au storyboard de nombreuses séries : Extrême Ghostbuster, Godzilla & Jackie Chan. Après cinq années de bon et loyaux services, il quitte la firme japonais pour participer à la série récente d'He-Man and the Master of Universe diffusé sur Cartoon Network. Il s'occupe des storyboard de la première saison de The Batman, avant de revenir chez Sony Pictures Animation pour la dernière saison de Jackie Chan. Dès 2005, Jay Olivia collabore sur plusieurs projets d'adaptations de DC Comics comme Teen Titans : Les Jeunes Titans & La Ligue des Justicier. Cependant le cinéaste participe également aux Direct-to-Video de Marvel Animation : The invincible Iron-Man, Doctor Strange The Sorcerer Supreme & Next Avengers : Heroes of Tomorrow. Pour Man of Steel, l'animateur dessine pour la première fois des storyboards pour le cinéma, il renouvellera cette expérience pour Batman V Superman : L'Aube de la Justice.

In The Next Episode … "Batman, Chérie !"

Jay Olivia fait le bon choix de créer sa propre mise en scène, se réappropriant la narration tout en restant extrêmement fidèle au comic-book de Frank Miller. Si au final ce résultat reste inférieur à la version papier, forcément ici The Dark Knight Returns est édulcoré et moins féroce politiquement. Cette adaptation conserve heureusement toute la noirceur et l'intérêt, posant ainsi les enjeux et les personnages dans une seconde partie qui s'annonce musclée.

Lorsque Bruce Wayne se remémore le douloureux événement de Crime Alley, les cinéphiles les plus aguerris remarqueront un extrait du Signe de Zorro de 1940 avec Tyrone Power.

L'un des points faibles vient de l'absence "des pensées" qui enrichissait énormément les différents protagonistes et leurs actions. Pourtant cette idée avaient été gardé dans l'adaptation de Batman : Year One.
La musique de Christopher Drake  accompagne à la perfection les scènes principales, l'atmosphère dégagé par sa musique est sombre et héroïque.


De plus, ce métrage bénéficie de la présence de comédiens prestigieux qui jouent de façon très convaincante : Ainsi, le grand Peter Weller, Le RoboCop, incarne à la perfection ce vieux Bruce Wayne vivant sa renaissance dans la peau de Batman, Wade Williams (Le capitaine Brad Bellick de Prison Break) est plutôt bon en Harvey Dent - Pile-ou Face, David Shelby (Quentin Collins de la série télévisée Dark Shadow) son timbre colle à la perfection sur James Gordon.

Pour la version Française et les nostalgiques, nous retrouvons deux vétérans de Batman : The Animated Serie. Jacques Ciron en éternel Alfred & Jean-Claude Sachot interprète le commissaire James Gordon.

Oeuvre terriblement visionnaire et fondamentale non seulement sur notre société contemporaine, de Batman, mais du comics-book dans son ensemble, The Dark Knight Returns envoie Frank Miller au firmament. Extrêmement dense et intelligente, transfigurant totalement la figure du justicier et se jouant du politiquement correct, l'oeuvre fait date. On pourrait encore écrire des pages sur ce chef-d'oeuvre mais on le résumera par un mot : Culte.

Couverture originale.