lundi 31 août 2015

Miller's Crossing (1990)

Après l'interlude barge et cartoonesque Arizona Junior, Les Frères Coen transforment l'essai avec Blood Simple, premier véritable coup d'éclat dans leur filmographie. Leur troisième long-métrage Miller's Crossing, écrit par Joel Coen en collaboration avec son frangin, est un pur hommage aux Films noirs. Ce voyage au temps de la prohibition regorge de personnages hauts en couleurs, de paris et de combats de boxe truqués, de whisky de contrebande au goût douteux, et surtout la corruption… Le décors est planté dans cette reconstitution qui possède tous les éléments pour faire vibrer de bonheur les amateurs de Films Noir.

A l'époque de la prohibition aux États-Unis, Johnny Caspar, petit caïd irascible toujours flanqué de son inquiétant bras droit, le dangereux Eddie le Danois, vient se plaindre des agissements d'un certain Bernie Bernhaum auprès de Leo O'Bannion, parrain de la mafia locale. Ce dernier lui interdit de faire justice lui-même sous peine de déclencher une guerre des gangs… 

Histoire à tiroir dans laquelle se balade le sombre Tom Reagan, bras droit du parrain Leo O'Bannion. Le spectateur ne cernera jamais ses réels intentions, ni ses ambitions ? Pourquoi fait-il tout cela ? Pour une poignée de dollars vis à vis de sa dette de jeu ?. Cet homme ambigu ne court pas après l'amour, ni le pouvoir… Il trahit tout le monde et personne à la fois, et sera à l'origine de quasiment toute les morts du long-métrage. Notre héros se montre réellement sans pitié, alors que les deux parrains locaux essayent de diriger cette ville, c'est lui qui joue la partition à la perfection mais en général ce genre de jeu à un but précis : Prise de pouvoir, vengeance ou rédemption, dans Miller's Crossing nous ne trouvons rien de tout ça. Au final, à part rembourser son ardoise, ce petit mafieux aura mené toute cette complexe supercherie pour pas grand chose… La conclusion est même équivoque puisqu'il refuse de retravailler pour son ancien patron, restant adossé à un arbre, remettant son chapeau. Son second chef étant mort, que va-t-il faire maintenant ? Peut-être voulait-il tout simplement sortir définitivement d'un univers qui le lasse mais auquel ce dernier ne peut échapper ?

Miller's Crossing insiste beaucoup sur la symbolique du chapeau - Le plan très poétique annonçant le titre avec cette douce brise dans les bois qui emporte ce mystérieux couvre-chef. C'est en fait un rêve que fait Tom Reagan… Quand Verna, la femme fatale, lui demande s'il court après il répond "Un homme qui court après un chapeau est un imbécile". Cette métaphore pourrait être perçu comme s'accrocher à la vie de gangster c'est foncer droit dans le mur.

Même si Tom Reagan perd souvent son chapeau, celui-ci revient toujours vers lui inéluctablement.


Tout les protagonistes (Les durs à cuire, les mafieux, les patrons de la pègre) sont sensés être moins humain, mais Tom Reagan est finalement bien plus impénétrable et impitoyable qu'eux. Son traitement permet de penser que notre héros est plus moral que ses gens car celui-ci ne veut tuer personne et laisse finalement tout le monde faire le travail à sa place mais lors de la conclusion, il tue Bernie de sang froid.

Finalement on ne sait pas si Tom Reagan a calculé à l'avance son coup ou non, puisque le spectateur a parfois l'impression que ce mafieux a surtout énormément de chance d'avoir des interlocuteurs finalement moins intelligents et malins en face de lui. Les autres personnages sont quant à eux sont aveuglés par leurs bons sentiments, la notions de respect et "de valeurs", "What heart ?" rétorque notre homme quand Bernie lui demande "Where is your heart ?" juste avant de se faire descendre… Les protagonistes les plus touchants sont donc ceux auxquels on s'attend le moins.


La scène d'ouverture rappelle irrévocablement celle du Parrain de Francis Ford Coppola, sauf qu'ici Les Frères Coen y pose leur touche. Johnny Caspar, l'italien mafieux n'est plus assis sur le trône mais se tient en face de l'Irlandais, Leo O'Bannion, et c'est donc le transalpin qui s'énerve, parle d'honneur, d'amitié et tente de charmer son patron qui lui, ne veut rien savoir. Celui-ci est secrètement amoureux d'une femme bien plus jeune, la source de sa faiblesse. Plus tard, on le voit également se défouler à la sulfateuse sur des tueurs venus l'assassiner chez lui mais malgré son âge, il reprend l'arme en main et fait un carnage. Cette scène est justifiée car Les Frères Coen nous montre que ce vieille homme est encore doué avec une arme et qu'il est loin d'être ramolli


Les codes du Film Noir sont subtilement déjoués, mais pas transgressés pour autant, grâce à la touche des deux cinéastes : L'humour absurde et les ruptures de tons. Sur un tel long-métrage ça peut déstabiliser l'ensemble de l'intrigue principale sauf ici, ce traitement permet justement aux réalisateurs de "personnaliser" leur hommage. Cette dérision, en filigrane, omniprésente correspond parfaitement à ce scénario - Variation de Yojimbo / Le Garde du Corps d'Akira Kurosawa. Un récit bénéficiant d'une écriture sans faille, bien équilibrée ou rien ne prend le pas sur le reste. 

La reconstitution de années 30 n'est aucunement tape à l'oeil. Quant à l'atmosphère Film Noir instauré par Les Frères Coen, celle-ci est respectée. Même si ce n'est pas le grand Roger Deakins qui s'occupe de la photographie, on ressent déjà cette volonté chez les cinéastes de se rapprocher de leur futur chef opérateur, à ce sujet le travail effectué par Barry Sonnenfeld est excellent. 


La mise-en-scène sans fioritures des Frères Coen, possède des mouvements de caméra d'une rare virtuosité, avec cette intention de cadrer assez large dans des espaces vastes, voir "vides" dans le bon sens du terme. La gestion des décors et surtout de la hauteur des intérieurs sont superbement maîtrisés, les éclairages posent clairement l'atmosphère, rendant ainsi hommage aux Films Noirs avec quelques plans d'ombres découpées sur des lumières tamisées. Les séquences d'action jouissives ne tombent jamais de la cartoon, et une certaine lenteur très appréciable se dégage de Miller's Crossing, les plans durent souvent - Les scènes dans la forêt sont vraiment belles. Quant à la symbolique avec le chapeau, est-elle un héritage de Jean-Pierre Melville ?.


Gabriel Byrne est l'homme de main du parrain Irlandais. Notre homme est mystérieux  possédant en lui une certaine part de mélancolieC'est un véritable truand, toujours sur le qui vive, malgré son assurance celui-ci s'en prend plein la tête mais notre héros ne perd jamais pied sauf une seule fois. L'interprétation brillante du comédien rend Tom Reagan charismatique, et son regard en dit long… Nous retrouvons des habitués du cinéma des Frères Coen comme John Turturro génial de pathétisme, le spectateur se rend compte que ce personnage sans envergure au début s'avère être l'ennemi le plus redoutable de notre héros et Jon Polito, mémorable chef de famille Italienne qui vante les mérites de la fratrie. A noter la brève apparition de Steve Buscemi dans le rôle de Mick.

Albert Finney tire son épingle du jeu, au début Leo O'Bannion est un peu vu comme le patron mafieux amoureux de la femme fatale, qui n'est rien sans ses gardes du corps mais cette impression est rapidement évacuée lors d'une scène monumentale où il va jouer de la Thompson comme personne. N'oublions pas J.E Freeman en terrifiant homme de main, toutes scènes valent le détour, le comédien en impose tellement que ça devient jubilatoire à chacune de ses apparitions.


La composition de Carter Burwell est certes très classique, voir en retrait, mais les images du long-métrage ne se soustraient jamais à ses mélodies. Ses thèmes ne font qu'accompagner doucement Miller's Crossing en lui donnant un coté mélancolique et d'autres morceaux sont très sombres. Le mélomane nous offre même un air assez poignant, bourré d'émotions marquant ainsi un certain décalage avec l'oeuvre.


L'oeuvre des Frères Coen s'amuse avec les codes du Film Noir. Gabriel Byrne est affublé d'un imperméable, d'un chapeau comme les détectives privées du genre. Ce héros est le pilier de l'intrigue, rendant visite aux protagonistes en les questionnants comme si notre homme était un enquêteur alors qu'il n'est finalement rien.


Le scénario sous-entend clairement que ce genre d'individu - ceux qui susurrent à l'oreille des chefs - sont les plus dangereux, les plus malins et les plus froids. Même la femme fatale parait désarçonnée par Tom Reagan. Les Frères Coen offrent aux spectateurs un cocktail détonnant d'humour et de noirceur avec ce Néo-Noir clairement atypique et très personnel. Miller's Crossing marque presque une première rupture dans la filmographie des deux cinéastes…

Affiche réalisée par Mgelen

dimanche 30 août 2015

Les Grandes Gueules (1965)

Archétype même du petit film Français, sans grande prétention, peu connu du grand-public. Ce qui ne n'empêche pas le long-métrage de battre des records d'audiences lors de ses nombreuses rediffusions télévisées comme le souligne très justement son auteur & scénariste José Giovanni.

Co-Production Franco-Italienne et troisième long-métrage, juste après La Belle vie & La Rivière du Hiboudu jeune cinéaste Robert Enrico. Le réalisateur signera plusieurs oeuvres populaires dans le paysage du cinéma Français comme Les Aventuriers, Ho !, Boulevard du Rhum… Sa consécration arrive en 1975, avec Le Vieux Fusil qui remporte l'année suivante de nombreux Césars dont le premier César des Césars la plus haute distinction de cette académie.

Adaptation du roman Le Haut-Fer du controversé écrivain, scénariste José Giovanni. Ancien collabo et repris de justice condamné à mort pour trois assassinats celui-ci échappe de peu à la guillotine le 3 Mars 1949 où il est gracié par le président Vincent Auriol. Quelques années après sa sortie de prison, l'ex-taulard devient un écrivain à succès grâce Au Trou, où il raconte sa tentative d'évasion. En 1958, le romancier rentre dans la prestigieuse collection "série noire" avec Classe tout risqueLe Deuxième souffle… Ses romans noirs le conduisent naturellement au cinéma, ou José Giovanni occupe alors plusieurs postes tout au long de sa carrière : Scénariste, dialoguiste et réalisateur dont il signe des classiques populaires comme Le RuffianLa Scoumoune, Dernier domicile connu, Deux hommes dans la Ville

Le projet Les Grandes Gueules née sur une idée de José Giovanni Lino ventura serait un meneur d'homme dans un environnent physique. Il lui propose alors le scénario et le rôle d'Hector, le gérant. Pour écrire sa nouvelle Le Haut-Fer, José Giovanni c'est un peu inspiré de sa jeunesse. À une époque le romancier a fait du bûcheronnage pendant la Seconde Guerre Mondiale dans un mouvement du nom de "Jeunesse & Montagne". Ce dernier était guide de Haute-Montagne, avec ses compagnons il se promenait dans des endroits dangereux pour récupérer du bois dans des couloirs d'avalanche par exemple. Pour son inspiration à propos de ce film, l'écrivain se rend dans les Vosges, où il trouve les décors du futur long-métrage, dont la scierie de la Clairière du Cellet. Il sympathise difficilement au premier abord avec le propriétaire des lieux. Une fois de retour chez lui, il se met sur l'écriture de son roman et fait une première adaptation mais l'intrigue ne fonctionne pas pour un comédien de la trempe de Lino Ventura. Celui-ci ne peut pas être encombré d'une main d'oeuvre, il ne peut que dominer ses ouvriers.… Le projet tombe à l'eau pour l'instant. Un jour en discutant de ce film avec un ami, José Giovanni pense que le rôle d'Hector doit correspondre à une personne venant du terroir, le romancier s'imagine alors Bourvil comme interprète… Une fois les comédiens principaux trouvés, le scénariste se met à la recherche du metteur-en-scène, après avoir vu La Rivière du Hiboux, il propose à son producteur : Robert Enrico. Le jeune cinéaste accepte alors de réaliser Les Grandes Gueules.

Affiche Italienne.
Hector Valentin, un Français vivant depuis plusieurs années au Canada, rentre au bercail après avoir appris le décès de son paternel. L'homme a hérité d'une scierie dans les Vosges… De retour chez lui, il constate avec dépit que le "haut-fer" est en ruine mais décide tout de même à faire revivre l'entreprise familiale. Cependant un concurrent du nom de Therraz apprend son arrivé au village, celui-ci se présente dans le but de lui racheter son héritage. Devant le refus catégorique de vendre et la détermination du nouveau venu, l'homme d'affaire n'aura de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. Lors d'une vente aux enchères, Hector Valentin est repéré par Laurent & Mick, anciens détenus venus accomplir une vengeance. Les deux  hommes comprennent assez vite la situation désespéré du jeune entrepreneur, ils lui proposent alors d'embaucher des détenus en liberté conditionnel en guise de main-d'oeuvre. leur patron hésite dans un premier temps et accepte finalement…


Cette image d'Épinal forestière est pour le moins trompeuse, marquant une réalité bien plus contrastée. Car ici, comme ailleurs, tout n'est pas idyllique et, entre deux conifères, la véritable nature de l'homme se révèle : Bestiale, brutale, égoïste, cupide mais également parfois généreuse et chaleureuse. Il n'y a ni ange, ni démon, mais des hommes dans toute leur complexité, aussi bon que salaud, aussi fort que faible et aussi courageux que lâche. Ainsi, c'est dans ce cadre sauvage que Robert Enrico transporte son histoire d'hommes, révélant avec force les comportements des uns et des autres. Car au milieu de la nature, la triche est impossible !

"Le haut-fer" désigne dans le massif des Vosges une scierie traditionnelle dont la force motrice hydraulique est constituée d'un banc, porteur de la grume - appelée tronce - qui avance en face d'une lame verticale à mouvement alternatif.

Brigitte Bardot l'idéal féminin de l'époque pour les hommes.

Les Grandes Gueules raconte donc le combat titanesque d'un David contre Goliath ou entre le pot de terre et le pot de fer. En filigrane de cette histoire virile José Giovanni & Robert Enrico aborde d'une manière très habile, un thème social qui est toujours d'actualité, à savoir la survie de l'artisanat dans le monde moderne, du patron de petite entreprise contre de gros exploitants. Hector Valentin est le rescapé d'un univers qui tend à disparaître, celui où ces petits ouvriers pouvaient encore jouir du fruit de leur labeur, son combat est perdu d'avance avec Therraz. Le scénariste transpose ainsi une brillante retranscription de l'opposition monde rurale / monde moderne. Mais en parallèle à cette bataille, le romancier traite de la morale et de la vengeance, de l'importance des traditions et des valeurs humaines de ces artisans, aussi des préjugés sur les anciens détenus et de l'amitié.

José Giovanni nous décrit de bon villageois Vosgiens se disant "biens pensants" en butte à de nouveaux arrivants au passé certes douteux mais dont la plupart sont en quêtes d'une réinsertion. Malheureusement, la lâcheté et l'opportunisme sont bien souvent l'un des maîtres-mots de notre société, et le film de Robert Enrico le démontre fort bien en nous décrivant ce bon peuple tenu en respect par l'intermédiaire de Therraz "l'homme le plus fort de la vallée" et de ses sbires, cupides et violents. Ainsi vont les gens, ils ne sont pas contre la réinsertion sociale des délinquants à une seule condition, qu'elle se déroule loin de chez eux.

Nous sommes devant une histoire écrite par José Giovanni, forcément l'amitié prend une place centrale dans cette intrigue, chez lui il n'y a pas besoin d'en faire des tonnes pour qu'on comprenne les liens qui unissent les personnages, on appel ça un talent d'écrivain, son vécu et passé aide beaucoup à la crédibilité de ses récits, l'ex-taulard connaît parfaitement son sujet. 

Le spectateur est devant une véritable histoire d'hommes et de fraternité. Le fait que cette oeuvre a été filmée dans de merveilleux éléments naturels amplifie l'authenticité et la dramaturgie de l'intrigue. Nous avons le privilège d'assister à ce merveilleux face à face entre deux monstres sacrées du cinéma Français, André Bourvil saisissant d'émotion, démontrant avec ce rôle dramatique les immenses facettes de son talent et Lino Ventura tout aussi émouvant. Car ici on ne fait pas dans la demi-mesure, on fait dans le rapport viril, ce n'est pas très gracieux mais ça peut-être beau à voir lorsque cela débouche sur de l'amitié ou une franche camaraderie ! Et c'est ce qui rends ces bonhommes si attachants.

Qui a dit qu'en France on se savait pas réalisé de Western ?! Or ici, Robert Enrico José Giovanni nous livrent bien une fable de l'Ouest. Remplacez Monument Valley par les scieries des Vosges avec un grand méchant contrôlant toute la région. Dans les Western traditionnels, c'est du bétail, ici c'est du bois et des parcelles de forêts. Mais voilà qu'arrivent des héros solitaires. Ce sont des ex-détenus. Ils vont aider les petits, les oppressés, mais auront aussi leurs intérêts personnels. Les Grandes Gueules comportent des dizaines de références au genre : Le Stetson d'André Bourvil, sa carabine, les poses magnifiées de Lino Ventura la cigarette à la main et le regard fatigué, le train… Le CinémaScope accentue encore plus cette ambiance.

Pour l'anecdote la scierie de la Clairière du Cellet avait été entièrement ravagé par les flammes par son propriétaire avant le début du tournage. Celui-ci a fait une grave dépression qui l'a emmené tout droit à l'hôpital où il est décédé là-bas malheureusement. L'équipe de production a dû reconstruire entièrement le lieu du tournage dont le fameux petit train, heureusement "le haut-fer" n'avait pas été ravagé par les flammes.

Outre la rencontre "princière" entre les deux têtes d'affiche des Grandes Gueules, nous retrouvons des gueules d'acteurs bien connu du cinéma Français comme Michel Constantin éternel voyou au coeur tendre, grand habitué de José Giovanni ou encore le monstrueux Jess Hahn, un des plus célèbre Américains du cinéma Français et la participation de Paul Crauchet (L'armée des Ombres, Tante Zita). La belle Marie Dubois nous éblouit par sa sensibilité et son bon sens dans ce personnage délicat que la comédienne compose à merveille. Enfin un petit mot sur Jean-Claude Rolland, le compère de Lino Ventura, qui pouvait espérer faire une longue carrière, malheureusement il se suicidera un peu plus d'un an après la sortie du film… Ironie du sort, son personnage est le seul à mourir. Tout les seconds rôles sont d'une grande crédibilité.

La superbe composition signée François de Roubaix à l'ambiance "Morriconienne" donne aux Grandes Gueules une atmosphère saisissante de Western à la Française.

Robert Enrico & José Giovanni offrent un véritable Western à la Française en plantant la caméra au coeur des cimes et des magnifiques forêts Vosgiennes. Les sujets qu'abordent Les Grandes Gueules sont malheureusement toujours d'actualités à notre époque - La mort des petits artisans et la réinsertion difficile des délinquants. Et n'oublions surtout pas la réunion au sommet de deux immenses comédiens : Lino Ventura & André Bourvil dans un rôle dramatique. Un long-métrage peu connu du grand-public à découvrir absolument !




mercredi 26 août 2015

Taxi Driver (1976)

À partir du scénario de Paul Schrader, basé sur une projection de ses frustrations, Martin Scorsese livre avec Taxi Driver sa vision de l'après Viêt-Nam, pas au sens personnel, mais parce qu'il dépeint ici un milieu qu'il connaît par coeur, les bas-quartier de New-York, au coeur de l'éclatement de la morale sexuelle avec la prolifération des cinémas pornographiques et des prostitués.

L'aventure Taxi Driver démarre en 1974, Martin Scorsese rencontre dans un premier temps Paul Schrader grâce à Brian De Palma. Les deux frères Schrader ont achevé l'écriture de Yakuza une fois terminé une guerre d'enchère est engagée entre les différents studios Hollywoodien. Ils réussissent à vendre leur scénario à Warner Bros pour la coquette somme de 325 000 dollars, un prix encore jamais atteint à cette époque. Au départ Martin Scorsese devait réaliser ce futur long-métrage, mais Paul Schrader vexe le cinéaste en s'y opposant.

Paul Schrader signe Taxi driver, écrit en seulement cinq jours - Bien que sur cette anecdote diverses sources mentionnent dix jours ou un mois. L'histoire est en partie autobiographique, avant l'écriture du scénario, l'écrivain était dans une situation similaire à celle de Travis Bickle, l'anti-héros. En effet, après son divorce, et une rupture douloureuse avec sa petite-amie de l'époque, il vit pendant plusieurs semaines dans sa voiture… Toute cette misère finit par le conduire à l'hôpital pour son hygiène déplorable. Sur place, il fait le point sur son expérience vécue et se rend compte qu'il n'a parlé à personne depuis des semaines, voir des mois. Il profite de l'absence de son ex-copine pour écrire l'intrigue dans son appartement. Paul Schrader fréquente alors les cinémas pornographiques et développe une fascination morbide pour les armes à feu. lors d'un entretien pour le magazine culturel 032c, il dira d'ailleurs à ce propos que l'écriture de Taxi Driver était une thérapie personnelle... Le scénariste s'inspire également des Carnets du sous-sol de Fiodor Dostoïevski et du journal intime d'Arthur Bremer, qui en quête de notoriété tenta d'assassiner George Wallace candidat à la présidentielle de 1972.

Affiche Mondo.
Affiche de Gabz
Trouvant son histoire sensationnelle Brian De Palma est intéressé un temps pour porter à l'écran ce long-métrage. Le réalisateur Robert Mulligan (Un été 42, Du Silence et des ombres) est d'abord pressenti par la production pour la mise-en-scène mais c'est Paul Schrader qui insiste pour que ce soit Martin Scorsese qui adapte son oeuvre, le cinéaste dira plus tard que ce film est davantage celui de Paul Schrader que le sien.

Quant aux acteurs, Jeff Bridges devait initialement incarner Travis Bickle, mais le scénariste réussi également à imposer Robert De Niro, un des producteurs suggéra même d'offrir ce rôle au chanteur Neil Diamond. Pour se mettre dans la peau de son personnage, le comédien a travaillé pendant un mois comme chauffeur de taxi dans la Grosse Pomme, alors qu'il est en plein tournage de 1900 de Bernado Bertolucci "Il terminait le tournage le vendredi à Rome... monter dans un avion et s'envoler pour New-York" comme le raconte Peter Boyle. Il  étudia aussi les enregistrements d'Arthur Bremer et également les différentes formes de maladies mentales. Robert De Niro & Martin Scorsese acceptèrent des salaires dérisoires afin de baisser le budget de Taxi Driver. L'acteur fut payé 35 000 dollars alors qu'on lui offrait cinq fois plus pour participer à Un pont trop loin de Richard Attenborough au milieu d'une distribution prestigieuse. Pour le rôle de Betsy, la productrice Julia Philips pense alors à Farrah Fawcett (Drôles de Dames), mais le cinéaste s'oppose à cette proposition et porte son dévolu sur Cybill Sheperd. A l'origine, Paul Schrader avait écrit le proxénète Sport Matthew comme un afro-américain, mais Martin Scorsese, de peur d'un sous-texte raciste crée une polémique, demande à sa plume de changer ses origines ethniques. Pour s'identifier à ce personnage Harvey Keitel fréquente pendant quelque temps de véritables souteneurs. Jodie Foster n'est pas le premier choix pour la jeune Iris. La production pense d'abord à Melanie Griffith, Linda Blair, Bo Derek & Carrie Fisher pour ce rôle. Une nouvelle auditionné, Mariel Hemingway est pressentie mais celle-ci abandonne au dernier moment suite au pression familiale. Après plusieurs défections, c'est finalement Jodie Foster qui est retenue.

Présenté au Festival de Cannes en 1976, le long-métrage remporte la Palme d'Or. Pour les Oscar, il est nommé quatre fois, dont celui de meilleur film. En 1994, la bibliothèque du Congrès Américain conserve l'oeuvre de Martin Scorsese au National Film Registry pour "son importance culturelle, historique et esthétique". Petite anecdote, il s'agit du succès commercial le plus important en France en nombre d'entrées pour le cinéaste, avant d'être détrôné par son Le Loup de Wall-Street.


Vétéran de la guerre du Viêt-Nam et insomniaque, Travis Bickle devient chauffeur de Taxi de nuit dans les bas-fond New-Yorkais. Écoeuré du spectacle quotidien, cet homme cherche à s'attirer les charmes de Betsy une jeune femme très différentes de sa personnalité, puis se prend de pitié pour une jeune adolescente prostituée. Repoussé par la première, il sombre dans une folie meurtrière…

Nous suivons un rescapé de cette guerre, qui a choisi d'être chauffeur de taxi de nuit car il est insomniaque. Au lieu d'insister sur ses traumatismes, la force de Taxi Driver est d'en suivre les conséquences (rendant ainsi ce destin universel, non uniquement dépendant des forces socioculturelles qui l'ont engendré), essentiellement traduit par une voix-off reflétant son mal être intérieur. La mise-en-scène se met alors à la hauteur de son personnage principal en épousant ses errances nocturnes au sein de ces quartiers mal-famés - à la fois symptômes et support du vide idéologique moral et politique de cette période - et surtout l'interprétation incarnée de Robert De Niro qui s'efface derrière son personnage tourmenté par un passé que l'on suggère seulement, et qui s'emmure progressivement dans une solitude faisant germer des pulsions qui le conduiront à la folie. Après une introduction qui nous plonge dans la peau de Travis Bickle, le cinéaste nous fait prendre le pouls d'une mégalopole rappelant alors par la même occasion les longs-métrages d'après-guerre sur Tôkyô - Notamment ceux d'Akira Kurosawa. Notre anti-héros se donne la mission de débarrasser New-York de toutes ses vermines. C'est pour ça qu'il travaille de nuit car le chauffeur de taxi associe la nuit à l'enfer, là où tous les vices se mettent à vivre.

En effet, quand le jour pointe le bout de son nez Travis Bickle est capable de nous dire : "Dieu soit loué, la pluie a lavé les ordures et les détritus des trottoirs". Mais lorsque la nuit revient, la jungle urbaine reprend ses droits "Y'a toute une faune qui sort la nuit. Putes, chattes en chaleur, enculés, folles, pédés, dealers, camés. Le vice et le fric. Un jour viendra où une bonne pluie lavera les rues de toute cette racaille". Dans son taxi jaune, il est bien déterminé à changer ce monde, du moins son monde. En ce sens, il devient "un ange vengeur" - Martin Scorsese le surnomme ainsi dans Scorsese on Scorsese. Le chauffeur de taxi se considère comme pur, et les ordures trainant dans les rues de New-York le salissent. D'ailleurs lorsqu'il postule pour devenir taximan, il précise son passé de conducteur à son interlocuteur aussi "Clair et net que ma conscience". Cette quête quasiment divine consiste à nettoyer la mégalopole de sa pourriture, mise-en-scène par le nettoyage journalier de son taxi souillé la veille par les dépravés qu'il transporte "Chaque matin quand je rentre le taxi, je nettoie le foutre du siège. Encore bien beau quand ce n'est pas du sang". Martin Scorsese montre à ce propos une courte scène où l'on voit dans le rétroviseur un homme et une prostitué sur la banquette arrière, impatient d'arriver chez lui pour consommer la demoiselle. Travis Bickle combat la dépravation et les moeurs libertines de la société Américaine "Écoutez bien bande de dépravés. vous avez devant vous un homme qui en a marre" "Voilà un homme pour qui la coupe est pleine. L'homme qui se dresse contre la racaille, le cul, les chiens, la crasse, la merde. voilà quelqu'un qui a refusé". Lorsqu'il renverse sa télévision alors qu'il est en train de regarder le soap-opéra, Les feux de l'amour, dans lequel une jeune femme mariée en plein divorce expliques ses problèmes amoureux : Mariée religieusement avec un homme, civilement avec un autre, elle incarne tout ce que notre chauffeur de taxi déteste.


Toujours dans sa croisade, ou sa quête de reconnaissance, qu'il n'a pas obtenu en allant combattre au Viêt-Nam. Cette guerre traumatisante et meurtrière a marqué Travis Bickle. Ainsi il se pare d'une coupe mohawk comme certains membres des Forces Spéciales pendant ce conflit. Sa nouvelle mission : Supprimer ceux qui semblent faire le mal. En se préparant à accomplir son acte de bravoure, l'appartement du chauffeur de taxi devient la chambre d'un soldat ou d'un prisonnier dans laquelle il fait des exercices physiques pour se remettre en forme. "Je dois me remettre en forme [...] Désormais je ferais cinquante pompes le matin, cinquante élévations. Finis les comprimés. Finie la mauvaise nourriture finis les destructeurs de mon corps. Réorganisation totale. Chacun de mes muscles sera trempé".

La coiffure mohawk de Robert De Niro n'est pas réelle. C'est un postiche
réalisé par le maquilleur Dick Smith célèbre pour L'Exorciste & Le Parrain.

Le long-métrage prend une direction digne de la Nouvelle Vague en affichant la relation en demi-teinte entre Betsy militante d'un parti politique et Trevis Bickle, Martin Scorsese & Paul Schrader jouent ainsi avec les différences sociales et culturelles. Après lui avoir proposé d'aller au cinéma voir un film pornographique, le spectateur comprend que ça ne va pas le faire, mais surtout cette déception amoureuse n'aurait pas la force et la pertinence qu'elle a sans un bref revirement de situation vers une puissante reprise en main de soi, se traduisant par une révolte unilatérale contre le "système" (et par extension le parti de cette jeune femme), qui ne comprend pas vraiment les marginaux comme lui ou ne fait rien pour changer la donne.

Taxi Driver comporte de nombreuses références religieuses, particulièrement Chrétiennes, qui vont parfois à l'encontre du dogme. Le chauffeur de taxis décide de se suicider, et mime avec ses doigts le geste d'un pistolet sur sa tempe. Travis Bickle avait-t-il envisagé son suicide ? Il avait en tout cas anticipé sa mort afin de devenir un martyr qui s'est sacrifié à une juste cause. Après son acte meurtrier, nous voyons bien qu'il tente de se tirer une balle mais malheureusement - ou heureusement - pour lui, le chargeur est vide. D'ailleurs le chauffeur de taxi avait laissé une lettre à la jeune Iris : "Chère Iris, voici l'argent pour ton voyage. Quand tu liras ceci je serais mort, Travis". Dans Scorsese on Scorsese le cinéaste confirme d'ailleurs l'influence religieuse sur son long-métrage "Dans Taxi Driver, Travis est une figure de l'Ancien Testament : Pour atteindre la sainteté, sa seule réponse est d'appeler la colère de Dieu". Des éléments bibliques apparaissent aussi à travers divers rituels de Travis Bickle. Le chauffeur de taxi se passe les bras sous les flammes, comme pour tester sa résistance à la douleur et les bouquets renvoyées par Betsy pourrissent dans l'appartement, cet aspect donne à son domicile une allure proche d'un tombeau. Un peu plus tard, il brûlera ces fleurs, comme pour se purifier. La chambre d'Iris remplie de bougie ressemble quant à elle, à un sanctuaire, voir une église. Sa relation éphémère avec Betsy est aussi marqué par le sceau de la religion, cette dernière apparaît en blanc symbole de la pureté, tel un ange, comme le remarque Travis Bickle lui-même avant d'ajouter : "Elle est seule. ils n'ont pas le droit de la toucher" comme si la jeune femme ne devait pas être souillée d'aucune sorte. Notre chauffeur de taxi lui fait souligner que sa vie n'est pas saine, tout en incluant une connotation religieuse : "Mais tu ne peux pas vivre comme ça, c'est l'enfer".


L'autre aspect qui fait de Taxi Driver une oeuvre mémorable, c'est bien-sûr la relation entre Travis Bickle et la jeune prostituée incarnée par Jodie Foster. D'abord à cause de son interprétation tout à fait étonnante, à la fois crédible et subtile, d'autant plus pour une fille de son âge. Elle parvient à nous faire douter de sa situation réelle : Fait-elle cela pour le plaisir, parce qu'elle est forcée, ou encore par rébellion ? Pour lui, Iris incarne une forme d'innocence à protéger à tout prix contre la souillure qui guète entièrement New-York, après l'échec de l'attentat politique. S'il ne peut agir en haut de l'échelle, au moins essaie-t-il d'en sauver une à son niveau. En outre, nous avons l'occasion d'apercevoir Harvey Keitel en proxénète - et cheveux long - un rôle vraiment atypique pour lui, qui loin des clichés, est certes décrit comme un pauvre gars, mais nourrit une relation ambiguë avec sa jeune protégée, en étant à la fois tendre et incestueux.

La sexualité et les femmes sont également abordée. Lorsqu'un client interprété par Martin Scorsese grimpe dans le taxi, raconte que la femme à la fenêtre en ombre chinoise entrain de se déshabiller est son épouse, qu'elle le trompe avec un afro-américain, ce dernier confie à Travis Bickle qu'il compte la tuer et lui "faire sauter le vagin" avec son Magnum 44. 

Notre anti-héros est écoeuré par la prostitution qu'il voit dans les rues, il dévisage d'ailleurs d'un air sévères les proxénètes, et il est réellement dégoûté par la situation d'Iris. Mais en même temps, le chauffeur de taxi va régulièrement voir des films pornographiques. Il va même jusqu'à mimer un revolver avec sa main et le porter à ses yeux, pour ne pas voir les scènes à connotations sexuelles qui défilent sur le grand-écran, comme si cette arme fictive pouvait d'un clic supprimer ces images. 

La conclusion est réellement volcanique et poisseuse, le déchaînement de violence est à la mesure de la colère et de la frustration qu'abrite le chauffeur de taxi contre la gangrène qui mine ces quartiers populaires. Les actes de Travis Bickle sont-ils condamnable ?! D'ailleurs Martin Scorsese à sa petite idée "Ses intentions étaient peut-être bonnes, mais regardez le résultat. Les souteneurs qu'il tue ne lui ont rien fait : Ils sont même gentil avec lui, ils veulent lui faire passer un bon moment. Ils ne font que leur travail, même si c'est un sale boulot". Ce plan emblématique, le montrant en train de se suicider avec une arme imaginaire, est extraordinaire et synthétise toute la bivalence de ce personnage, détruisant et détruit tour à tour par ses valeurs et son environnement anxiogène. Le dénouement frappe par son changement de ton qui apparaît plutôt comme une ironie. En effet devenu logiquement un héros, en sauvant cette adolescente des griffes de la pègre, pour les plus démunis et ceux qui ne sont pas entendus par les politiques. Nous avons l'impression que Trevis Bickle rentre dans le rang après avoir fait "son travail". Mais en réalité, cette normalisation du comportement révèle autre chose : Son action individuelle n'a eu qu'une portée réduite et que la fracture sociale demeure entière en commençant par lui. L'encensement de ses actes ne reflète ici qu'une société qui proteste contre une politique l'ayant oublié, mais qui ne fera rien pour bouger les choses.


Lorsque le générique de fin apparaît, deux idées s'opposent dans tête du spectateur. De quel côté pencher ? Les actions de Travis Bickle sont-elles réellement justes ? Ou la justice aurait dû le punir pour ses crimes héroïques ? 

Toutes ces oppositions ne sont pas étonnantes venant de cet homme, comme le remarque Betsy lors de son premier rendez-vous avec le chauffeur de taxi. Elle parle à un moment donné de la chanson de Kris Kristofferson : "C'est un prophète, un pourvoyeur moitié réel, moitié fiction, ambulante contradiction".
Selon Paul Schrader "On peut comprendre Travis, mais pas le tolérer"


Quant à "l'épilogue", quelques éléments nous laissent penser que ces coupures de presse sont fantasmées. Tout d'abord, ses collègues ne parle aucunement de ses récents exploits. Notre héros reprend normalement son taxi pour transporter une cliente. Il se trouve que cette femme est Betsy... Drôle de coïncidence ! Travis Bickle peut très bien s'imaginer qu'il  transporte cette demoiselle. Celle-ci est enfin accessible, en admiration devant ses récents exploits mais notre chauffeur de taxi prend la décision de rejeter ses avances. D'ailleurs il est assez surprenant de voir l'engouement de la presse pour lui, ce dernier a quand même tué trois hommes, comme si aucuns journalistes ne s'étaient posés la question de savoir si ses actes sont légitimes ou condamnables.

Ce dernier regard dans le rétroviseur est intéressant, ce chauffeur de taxi serait-il devenu un vigilante ? Prêt à recommencer ? Une bombe à retardement qui re-déversera sa violence bientôt. À ce propos Martin Scorsese dit : "J'ai utilisé ce son - de xylophone - pour montrer que la minuterie interne de Travis redémarre, la bombe que représente Travis est encore sur le point d'exploser".

Martin Scorsese prouvait déjà en 1976 qu'il est l'un des cinéastes majeurs du cinéma contemporain, Taxi Driver dispose d'une réalisation au diapason, marquée par une maîtrise du travelling, de la photo réaliste de Michael Chapman, et une modernité épatante. 

Tourné en  plein dans l'été 1975 par une température de 35°c "Il y avait une grève des éboueurs. Pour le tournage de Mean Street à Los Angeles, nous avions dû renverser des ordures dans les rues pour que ça ressemble à New-York. Là au contraire, il nous fallait les ramasser" se souvient le cinéaste. La ville de New-York, ses rues, ses quartiers populaires sont un véritable personnage à part entière. Le réalisateur arrive parfaitement à retranscrire ce climat d'insécurité qui régné dans la mégalopole pendant les années 70. 

La scène de la tuerie était considérée comme excessivement forte par le comité du MPAA - Motion Picture Association of America. Afin d'obtenir une classification acceptable par la censure, Martin Scorsese a atténué les couleurs de la fusillade, pour rendre le sang moins vif et visible. Détail amusant, le plan séquence avec la caméra qui s'élève après la massacre dans l'hôtel sera repris par les frères Hughes dans Génération Sacrifiée.

Le cinéaste est aussi un grand directeur d'acteurs, capable de tirer le meilleur d'une Jodie Foster débutante, et laissant improviser un Robert De Niro impérial, le cultissime monologue "You talkin to me" n'était pas écrit, le comédien avait déjà expérimenté ce texte dans Hi, Mom ! de Brian De Palma, dans ce film son personnage Rubin auditionne pour le rôle d'un policier dans une troupe de comédien-militants : "Are you talkin' to me ?" demande-t-il surexcité à un balai. Paul Schrader apporte aussi sa contribution sur le tournage en donnant ses propres vêtements à son Travis Bickle… 


L'immense Bernard Herrmann, compositeur d'Alfred Hitchcock, nous offre ses dernières mélodie, ce célèbre mélomane est décédé juste avant la sortie de Taxi Driver, qui lui est d'ailleurs dédié. Son intention est intéressante à savoir mélanger son style à une ambiance très jazzy. Une fois le générique fini, ses airs nous trottent encore longtemps dans nos petits crâne.  


Taxi Driver est l'un, si ce n'est LE long-métrage emblématique du renouveau du cinéma Américain et engagé des glorieuses années 70. Martin Scorsese & Paul Schrader nous offrent un grand film, un véritable plaisir cinéphilique qui se redévoile à chaque visionnages... Une oeuvre qui reste gravée dans nos mémoires à jamais.

Et Comme le dit si bien l'accroche Française d'époque : 
"Dans chaque rue, il y a un inconnu qui rêve d'être quelqu'un. C'est un homme seul, oublié, qui cherche désespérément à prouver qu'il existe"

Affiche Japonaise