mardi 13 mai 2014

RoboCop (1986)

L'idée de RoboCop est venue d'Edward Neumeier après qu'il est participé en 1982 au tournage de Blade Runner de Ridley Scott, dans lequel Harrison Ford pourchasse des androïdes appelés "réplicants".

Le projet est proposé à plusieurs cinéastes qui refuseront, comme David Cronenberg ou Jonathan Kaplan (Les Accusés). C'est finalement le néerlandais
Paul Verhoeven, 49 ans à l'époque et n'ayant jamais tourné aux États-Unis, qui est choisi. Il a cependant déjà une solide carrière derrière lui, venant de terminer La chair et le sang, un drame historique cinglant. l'Hollandais violent se targue à longueur d'entretien d'adorer la violence au cinéma et de chercher avant tout à filmer "Satan tuant Jésus". C'est un cinéaste de la perversité qui aime séduire pour laisser divaguer notre conscience avant de nous exploser la réalité en pleine figure. Paul Verhoeven se considère comme un homme de gauche qui flirte avec la ligne jaune de la bonne conscience.  

Le réalisateur Européen fraîchement débarqué sur le sol Américain n'est pas particulièrement attiré par le genre, pourtant enfant il dévorait des romans pulp de Science-Fiction et autres comics-book. Dans un premier temps Paul Verhoeven n'est pas emballé par ce projet, le cinéaste trouve le titre - RoboCop - et le concept peu intéressant. Son épouse arrive finalement à le convaincre, en lui démontrant le contraire, ce scénario n'est pas un simple B-Movie. Son mari  pourra même apporter son point de vue d'Européen, offrant aux spectateurs une critique sociale en dénonçant les modes de consommation de la société Américaine
 
La société de production Orion Pictures, indépendante à l'époque, produit le film. C'est cette même société qui, trois ans plus tôt, a produit Terminator, le grand frère avoué de RoboCop.
Paul Verhoeven intégrera un morceau de la bande originale du film de James Cameron dans une séquence, assumant pleinement son influence.

Paul Verhoeven avec l'ED-2019

Pour endosser l'armure du cyber-flic, plusieurs noms de comédiens sont évoqués, Rutger Hauer & Arnold Schwarzenegger, ainsi que Michael Ironside étaient envisagés par Paul Verhoeven et ses producteurs, mais l'équipe technique s'est vite aperçu que l'acteur devant incarner RoboCop devrait être plus fin possible pour se glisser dans le fameux costume. Ce rôle sera également proposé à Tom Berenger avant que Peter Weller ne soit engagé. Quant à  la coéquipiere d'Alex Murphy, Stephanie Zimbalist devait incarner Anne Lewis, mais elle fut contrainte par NBC de se désister pour le tournage d'autres épisodes de la série télévisée Les Enquêtes de Remington Steele avec Pierce Brosman.

Nancy Allen, Felton Perry & Robert DoQui seront les seuls à apparaître dans les deux suites. En revanche, Peter Weller cèdera la place à Robert John Burke dans RoboCop 3. Frank Miller, qui a écrit les scénarios du deuxième et troisième film, est également le scénariste du comics-book RoboCop VS Terminator
.

Affiche illustré par Tyler Stout.

Affiche hommage à RoboCop
Aux États-Unis dans un futur proche, la ville de Détroit est enclin aux crimes. Le conglomérat commercial et militaro-industriel, OCP - Omni Cartel des Produits - à la mainmise sur divers marchés comme l'armement, la conception et la fabrication de robot. Cette multinationale s'occupe également de la gestion du département de la police de la cité. Les hauts-dirigeants de la société ont un rêve : Delta City, une nouvelle mégalopole remplaçant le vieux Détroit moribond, ou la violence, le crime et le non-respect des lois sont monnaies courantes. Devant "ce cancer", la puissante entreprise décide alors d'éradiquer ce mal dominant avant l'arrivée de deux millions de nouveaux ouvriers pour la création de la nouvelle métropole. Le numéro deux de l'OCP, Richard "Dick" Jones, présente à la direction son projet, un robot policier "ED-2019", un mécha bipède fonctionnant 24 heures sur 24, malheureusement la démonstration vire rapidement au cauchemar abattant "le cobaye" de l'expérience. Suite à cette bavure, Bob Morton, jeune cadre ambitieux, propose de soumettre au directoire son propre projet : RoboCop.



Affiche hommage à RoboCop. 
En utilisant cette histoire de policier assassiné, ramené à la vie sous la forme d'un produit contrôlable. Paul Verhoeven montre aux spectateurs sa vision radicale de son pays d'adoption : Les États-Unis.

Loin de l'Amérique Way of life, le cinéaste pointe avec violence et cynisme les dérives d'une société déliquescente, en pleine ère Reagan. Le coeur de l'Hollandais violent bat à gauche, bien à gauche, il serait donc dommage de se laisser aveugler uniquement par cette violence à l'écran. Alex Murphy et son alter-égo RoboCop, vivent dans un monde en proie aux dérives d'un capitalisme avide et aux nombreux problèmes économiques évoqués dans les journaux télévisés. Les habitants vivent ainsi dans la pauvreté et la criminalité, sans oublier les agents du département de police de la mégalopole hostiles à leur privatisation par le conglomérat OCP, les forces de l'ordre sont bien décidées à faire grève : Le réalisateur Hollandais malmène les dérives droitières.

Ce conglomérat mondiale dont les dirigeants - des technocrates - sont cocaïnés et sans aucun scrupule, représente les lobbys industriels à l'influence inouïe. Ces entreprises gargantuesques grignotant peu à peu la planète et les humains. L'histoire est simple : Pour servir un projet urbain utopiste (préfigurant l'environnement aseptisé et sous contrôle de Total Recall), la police a besoin d'un allié robotique incorruptible, invincible, et efficace : Après un premier essai infructueux, ce sera Robocop. Suite à un intermède où on se régale à assister à son manque de recul, appliquant la loi quoi qu'il arrive comme une machine, le cyber-flic incarnera finalement un visage humain imprévu là où le sentiment d'insécurité est permanent. Une humanité (contre la technologie) révélée justement grâce à une mémoire encore vive (contre les images diffusées à la télévision), recueil de l'âme si on en croît Paul Verhoeven. 

Affiche hommage à RoboCop, par le graphic-designer Anglais Olly Moss.

La puissance des médias est aussi évoquée dans ce futur proche, jonglant entre désinformation galvanisant la peur du peuple et autres programmes d'une bêtise sans nom lavant le cerveaux, pour nous montrer une vision trafiquée de la société. RoboCop, est visionnaire sur bien des aspects avec la publicité à outrance, la toute puissance des multi-nationales, une société rongée par la violence et la sur-médiatisation. On peut considérer Alex Murphy comme l'alter-égo de Paul Verhoeven, lui aussi fait partie d'un système qu'il dynamite de l'intérieur. Car on peut voir aussi dans le long-métrage, une attaque frontale contre le système Hollywoodien, symbolisé par le conglomérat de l'OCP. Cette puissante société bien décidée à s'approprier le contrôle de Détroit quel qu'en soit le prix.

Mais ce que Paul Verhoeven vise par-dessus tout : La manière dont on utilise l'image pour abrutir la population.

L'exécution écoeurante d'Alex Murphy reste
l'une des scènes les plus cultes de RoboCop.
Outre le mythe de Frankenstein revisité de façon moderne, le spectateur peut voir en filigrane, que le personnage d'Alex Murphy, peut-être perçu comme une métaphore christique. Une version moderne de Jésus, d'abord exécuté dans une grande violence, à terre, les bras en croix,  pour être ensuite ressuscité en RoboCop, sauvant ainsi le peuple.  

Au-delà de cette analyse, le long-métrage de Paul Verhoeven peut-être abordé comme un divertissement jouissif, proche d'un comics-book.


Sa violence graphique est impensable, de nos jours, les Blockbusters sont édulcorés, sans saveur. Revoir RoboCop aujourd'hui est presque un choc, dés la première scène d'ouverture le test de l'E-209 donne le ton, les balles déchirent littéralement le corps inerte. L'exécution barbare d'Alex Murphy, reste l'une des séquences les plus graphiques du genre, tout comme la transformation physique par l'acide et la mort d'Emil Antonowsky. Le réalisateur n'hésite donc pas à massacrer ses personnages plein cadre. Comment Paul Verhoeven a-t-il fait pour que son film ne se retrouve pas classifié X - interdit aux moins de dix huit ans - par le comité de censure ?! Souvent ces scènes de violences généreuses sont contrebalancées par des petites touches d'humours légers, voir noires - les publicités entrecoupant les journaux télévisés et la manque de finesse et d'humour de Robocop légendaire : "Vous avez l'air d'avoir été traumatisée par cette tentative de viol, je vous envoie dans une cellule psychologique", dit-il après qu'une femme l'agrippe pour le remercier...

La mise-en-scène sans concession de l'Hollandais violent, est maîtrisée d'une main de maître. Le cinéaste est autant à l'aise avec les fusillades démentielles - L'attaque de l'entrepôt de cocaïne - que dans les séquences intimistes - La magnifique scène ou Murphy retourne dans son ancienne maison. La photographie maitrisée donne un aspect crasseux à Détroit.

RoboCop est iconique devant la caméra de son réalisateur. D'ailleurs l'arrivée du cyber-flic au commissariat, se fait mystérieuse, dévoilant au fur et à mesure, l'amure métallique. Paul Verhoeven bien aidé par ses scénaristes et Rob Bottin, on tout simplement inventé une icône de la Pop-Culture, en réalisant l'un des films majeurs des années 80.

Extrait du Stop-Motion de l'E-209 par Phil Tippett.

RoboCop utilise des Matte-paintings.
Les effets-spéciaux de Rob Bottin, n'ont pas pris une ride. L'armure métallique de RoboCop parait réelle, et ne fait pas toc, le spectateur a l'impression de voir un véritable cyborg à l'écran.

Le Stop-Motion et l'animation de l'E-209, designer par Craig Davies, vieillissent plutôt bien pour une production de l'époque, même si bien-sur, le résultat est légèrement saccadé. Pourquoi investir autant d'argent dans un robot incapable de descendre des escaliers ?

Peter Weller masqué pendant les deux tiers du long-métrage, arrive à insuffler de l'humanité à RoboCop. Le comédien s'inspira d'Ivan le Terrible de Serguei Eisentstein, et de son principal interprète Nikolaï Tcherkassov : "Sa façon de bouger quasi-surnaturelle d'imposer sa présence par la seule force de son visage". Ce père voulant être le modèle de son fils, deviendra le justicier d'acier de la ville de Détroit. Retrouvant son humanité, en concluant le film sur cette ultime réplique bouleversante : "What's your name ?" "Murphy". Son duo avec la charismatique, Nancy Allen marche à merveille. Les second couteaux sont croustillants, Ronny Cox (Le Flic de Berverly Hills, Total Recall) est au diapason dans le rôle de Richard "Dick" Jones, patron impitoyable sans foi ni loi. Bob Morton, interprété par Miguel Ferrer, l'archétype du jeune arriviste aux dents longues, remplit d'ambition. Kurtwood Smith est Clarence Boddicker, véritable vilain hard-boiled et personnage haut en couleur.

La bande originale de Basil Poledouris - compositeur emblématique de Conan le Barbare - est hypnotique, épique avec ce thème principal mythique, secouant les tympans sans ménagement. Sa musique contribue à la légende du film. 

Oeuvre intemporelle à la fois violente et contemporaine. Paul Verhoeven inscrit son RoboCop, au panthéon des héros cultes du cinéma 80's. Un véritable Blockbuster intelligent comme le cinéma de nos jours ne peut plus en produire ou malheureusement trop rarement. Culte tout simplement !



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