dimanche 4 mai 2014

Guet-Apens (1972)

En 1969, Sam Peckinpah est fasciné à la lecture de Lien conjugal, roman écrit par Jim Thompson, auteur alors inconnu et fauché. Les droits élevés du bouquin atterrissent, au désarroi du cinéaste, chez Robert Evans, le nouveau roi d'Hollywood sauveur de la Paramount au bord de la Banqueroute.

Le studio enchaînant les nombreux succès avec Rosemary's Baby, Love Story… Le nabab veut associer sa nouvelle conquête, Ali Mac Graw, à une tête d'affiche. Bonnie & Clyde d'Arthur Penn, venant tout juste de sortir, est un énorme triomphe dans les salles obscures. Le couple de gangsters de Guet-Apens, tombe à pique.

Mais le temps passant, le directeur de production se désintéresse petit à petit du projet, trop occupé à monter Gatsby le magnifique. Robert Evans, demande à Peter Bogdanovich de réaliser Guet-Apens, en lui laissant carte blanche. Peu convaincu par le scénario du romancier, le jugeant trop pessimiste, le cinéaste embauche au poste de scénariste, le jeune Walter Hill - Réalisateur quelques années plus tard de 48 Hrs & de Double Détente -, pour réécrire l'intrigue, en l'adoucissant énormément, retirant le côté sombre, la violence d'origine de Jim Thompson : Edulcoration de la relation du couple Mc Coy, et un happy end de rigueur

Affiche Japonaise

Une fois l'écriture terminée, le nabab revient sur le devant de la scène, en imposant sa protégée, Ali Mac Graw & Steve Mc Queen dans le rôle de "Doc", Robert Evans voulant relancer la carrière de l'acteur. Peter Bogdanovich est écarté du projet suite à un désaccord au niveau des comédiens, le cinéaste préférant le duo Cybill Sherpherd (Taxi Driver) & Ryan O'neal (Love Story).

Paramount appel pour le remplacer au pied levé, Sam Peckinpah, chance ou hasard ?

Steve Mc Queen, récupère les droits auprès du studio, toujours trop occupé sur la production de Gastby, le magnifique. Le comédien devenant ainsi, le patron de Guet-Apens. Sam Peckinpah & lui, sont bien décidés à relancer leur carrière, le comédien veut oublier l'échec commercial de son ambitieux Le Mans et le réalisateur enchaine l'insuccès depuis La horde sauvage.


Mais les déconvenues arrivent vite. Le cinéaste, n'aime pas le scénario retouché par Walter Hill. Le jugeant trop doux, notamment le couple Mc Coy, trop fade, l'intrigue n'est pas assez violente. Sam Peckinpah, le retouche alors à maintes reprises, convoque en son clan ses gueules d'acteurs les plus patibulaires. Lors du tournage de nombreuses tensions éclosent, entre Steve Mc Queen & le réalisateur, entre les différences artistiques, égos sur-dimensionnés, alcools & cocaïnes. Cerise sur le gâteau, la romance naissante entre Ali Mac Graw & son partenaire, enflamme le plateau, avec la peur de voir débouler Robert Evans, furibards.



Carter "Doc" Mc Coy, prisonnier, obtient sa libération grâce à l'intervention d'un notable du coin, Jack Benyon, truand notoire aux heures perdues. L'homme d'affaire a besoin de ses services, pour organiser le braquage d'une banque. Une fois le larcin effectué, Mc Coy se rend chez lui, pour remettre le butin, il s'aperçoit alors que Benyon veut le supprimer. Lors d'un face à face contre lui, sa femme Carol, l'abat froidement. Le couple Mc Coy prend la fuite emportant l'argent avec eux, s'engage alors une traque sans merci, avec d'un coté les hommes de main du truand et de l'autre la police…

Sam Peckinpah offre aux spectateurs, une guerre des nerfs psychologiques, avec ce couple tentant de retrouver ses marques après quatre ans de séparations. Steve Mc Queen est la cléf de voute, le comédien irradie la pellicule en gangster charismatique, sans état d'âme, aux méthodes efficaces. Carter "Doc" Mc Coy est fébrile, enfermé en prison, obsédé par l'image de sa femme et l'envie de liberté, oppressé par les murs de sa cellule. L'univers carcéral est parfaitement dépeint : Douche, labeur, ennui, occupations futiles et le rêve d'affranchissement est caractérisé par les cerfs sur le territoire pénitencier. 

Une fois libéré par Jack Benyon, le fauve Mc Coy retrouve son instinct sauvage, en faisant parler la poudre pour survivre dans la jungle urbaine.

Sous fond de romance sociale légère, avec la reconstruction d'un couple et des problèmes gravitants autours - ils s'aiment, se haïssent, se cherchent -. Guet-Apens est surtout un polar décomplexé, offrant son lots d'idées amusantes, comme l'improbable duo entre le tueur psychopathe Rudy Butler & la femme du vétérinaire, Fran Clinton, sans oublier son mari souffre douleur. Leurs différentes séquences sont assez détendues, mais il y règne tout de même une atmosphère tendue quand au devenir de ce couple invraisemblable. 

Avec cette ambiguité cher à Bloody Sam, le cinéaste s'amuse avec nos nerfs, passant du sourire à la violence, le spectateur se laisse alors prendre à ce jeu sans rechigner. 

Comme à l'accoutumée, la réalisation de Sam Peckinpah est inventive, variant sans cesse les points de vues, proposant constamment des idées de mise-en-scène, à l'image de l'introduction mécanique, rythmée par les machines à tisser, telle une mélodie. Le cinéaste arrive à nous divertir pendant deux heures, n'hésitant pas à varier le ton de son intrigue, ainsi Guet-Apens passe très rapidement. 

Les rebondissements s'enchainent donc pour se terminer dans un final explosif, digne de Bloody Sam. Les gun-fight dans la plus pure tradition "Peckinpah", sont violents, bien nerveux, leurs chorégraphies parfaites. Le montage et le cadrage également, montrant ainsi l'impact des shotguns. Sans oublier les nombreux ralentis explosifs - La signature du cinéaste. Le coté misogyne du réalisateur délivre des scènes cocasses, comme les nombreuses baffes de Steve Mc Queen données réellement à Ali Mac Graw .


Une ombre gâche le tableaux. L'insouciance du couple Mc Coy. Le Doc' & sa femmes se permettent des petites virées en ville, n'hésitent pas à manger au fast-food par le drive. Alors qu'ils sont recherchés par toutes les polices de l'état du Texas et le portait robot de Carter est diffusé sur toutes les télévisions et journaux. Attention, Guet-Apens est d'un tel niveau que ce maigre défaut n'entrave pas notre plaisir.

Le personnage d'Ali Mac Graw est bien écrit, en femme de gangsters à la beauté froide, au mutisme presque permanent. La comédienne aux charmes naturels change de registre avec Guet-Apens, l'actrice habituée au rôle fleur bleue avec Love Story ou Goodbye Colombus. L'interprétation de Steve Mc Queen, est impeccable, sans faille, comme la scène dans le train ou chez le vendeur d'arme. Coté second rôles, un habitué de Sam Peckinpah & de John Ford, Ben Johnson, (La horde sauvage) dans le rôle de Jack Benyon et l'excellent comédien italo-Américain, Al Lettieri (Mr. Majestyk) en tueur psychopathe.



Officiant comme producteur Steve Mc Queen impose le montage au cinéaste, mais également le compositeur, Quincy Jones - Producteur de Michael Jackson -, avec des musiques brillantes, expérimentales, donnant du cachet à Guet-Apens.

Scénario parfaitement huilé, un récit implacable ou la tension est palpable à chaque seconde. Sam Peckinpah signe ici, son plus grand succès. Ce polar noir, sec & nerveux, à la mise-en-scéne inspirée et solide. Son casting est impeccable, avec un Steve Mc Queen impérial ! Guet-Apens est une source d'inspiration pour plusieurs cinéastes de Quentin Tarantino, à Michael Mann en passant par John Woo. Du très grand cinéma des années 70.

Affiche Japonaise



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire