dimanche 24 juin 2012

Los Angeles 2013 (1996)

Si  le grand John Carpenter accepte de mettre en chantier la suite de New-York 1997, c'est certainement avec l'idée de pointer du doigts l'une des absurdités du systéme Hollywoodien. Lui qui n'a jamais cessé de se renouveller, d'innover, allant le premier rendre un hommage brillant à la Shaw Brothers avec Jack Burton dans les griffes du Mandarin réalisant une satire politique radicale avec Invasion Los Angeles, tournant un long-métrage poignant avec Starman... Big John s'est vu contraint de tourner coup sur coup deux remakes (Mémoire d'un homme invisible & Le village des damnés), et il doit maintenant faire un bond de quinze année en arrière pour imiter son ancien succès. Malheureusement ce nouvel échec commercial lui barre définitivement la route des grands studios Hollywoodiens.

La genèse de ce nouvelle opus débute en 1985 : Coleman Luck écrit alors une suite à New-York 1997. Big John trouve le résultat "léger", le projet est alors enterré... Jusqu'en 1994, où celui-ci est ravivé par un important tremblement de terre mais surtout les émeutes meurtrières de 1992 à Los Angeles. Cette suite a surtout été voulue par la présidente de Paramount Pictures de l'époque, Sherry Lansing. Cette dernière était une grande fan de New-York 1997, et voulait reformer le trio d'origine (Kurt RusselJohn Carpenter & Debra Hill, la productrice). Ce fut également la volonté de Kurt Russell qui a toujours eu un profond attachement pour le personnage, au point qu'il fut crédité comme scénariste sur Los Angeles 2013. Un troisième volet était prévu, Escape from Earth, où son personnage devait fuir la Terre, mais ce projet a été annulé après l'échec d'Escape From L.A.

Dans une Amérique devenue un état totalitaire, Snake Plissken est de nouveau arrêté par les autorités. Notre anti-héros doit retrouver une mystérieuse mallette dérobée par la fille du président. Cette dernière s'est enfuie sur l’île de Los Angeles, repaire des parias et autres personnes ne respectant pas le code de déontologie d'une société extrémiste et bien pensante.

Los Angeles, isolée du continent par un tremblement de terre devient un no man's land où l'Amérique se débarrasse de ses has been et des laissés-pou-compte du système, John Carpenter fait écho à l'actualité et aux émeutes qui submegèrent la citée des Anges en 1992. Ode aux marginaux et aux losers, Los Angeles 2013 prend bien garde de ne pas se positionner du coté d'un anti-américanisme primaire. Les factions rebelles et révolutionnaires alter-mondialistes ont des utopistes dans leurs rangs, mais leurs leaders n'ont rien à envier aux dictateurs qui parsément notre belle planète bleue. Même si les libéraux et leurs opposants montre le côté reactionnaire de Big John, le cinéaste fait preuve d'une acuité dans sa caricature. John Carpenter aime son pays, ses mythes & légendes, cet amour nourrit sa haine féroce des institutions liberticides et des dérives fascisantes.

Comme pour New-York 1997, Big John répéte la même histoire, le cinéaste semble bien montrer aux spectateurs le refus ou l'incapacité du système Hollywoodien à se repenser, à évoluer. Une fois l'intrigue de base posé, la satire sur la société américaine et ses institutions bien pensantes peut prendre corps à travers les péripéties de Snake Plissken dans ce Disneyland sous acide.


Culte de la beauté (avec l'hilarante scène des ratés de la chirurgie esthétique) et du corps (surf & boldy building), puritanisme, dictature du politiquement correct... La Californie et Hollywood en prennent pour leurs grades. Si les grands studios ici sont la cible prviliégiée de John Carpenter, il n'en demeure pas moins que l'industrie du cinéma n'est que le reflet de la politique Américaine. Le fait que toute tentative émancipatrice et contestataire d'un réalisateur se retrouve repoussé à la marge de l'industrie n'est que l'écho d'une société ultra libérale. 

L'anarchiste Snake Plissken, insuffle un mouvement de liberté, notamment lors de la conclusion, privant ainsi l'humanité de l'électricité. Pour l'anecdote, ce fut Kurt Russell qui fut à l'origine de cette conclusion, preuve étant de la forte implication du comédien pour cette oeuvre.


Visuellement, Los Angeles 2013 s'affranchit constamment de son modèle New-yorkais. Sa mise en scène outrancière et dynamique, son esthéthique grotesque, peuvent certe rebuter mais c'est bien en jouant sur les codes, en grossisant le trait que le cinéaste parvient à nous plonger dans ce roller coaster cinématographique aussi déroutant que jouissif. Comme souvent, John Carpenter utilise peu de plans dans ses fusillades, nous retrouvons même un duel rappelant les Westerns, genre cher au cinéaste. Big John rend iconique Snake Plissken à travers plusieurs scènes, Kurt Russel est d'ailleurs beaucoup plus poseur ici. L'un des gros problèmes de Los Angeles 2013 est sans aucun doute ses effets-spéciaux datés, aucun passage visuel n'est réussi : Une horrible séquence en sous-marin, Un tsunami avec  Snake surfant mal intégré digitalement, les delta-planes & les hélicoptères... Ses différents éléments gâchent vraiment le plaisir.


Kurt Russel reprend donc son rôle mythique de balafré. À ses côtés on retrouve une belle galerie de comédiens et comédiennes, comme Steve Buscemi (Fargo), Peter Fonda en surfeur tout droit sorti d'Easy Rider, la ravissante Valeria Golino (Rain Man), sans oublier l'actrice de Blaxploitation, Pam Grier en transsexuel à la voix grave

Oeuvre iconoclaste, impertinente, qui épouse les formes d'un grand spectacle grand-guignolesque pour mieux dénoncer les rouages d'un système. Le potentiel de Los Angeles 2013 est malheureusement gaché par ses différents effets visuels. Le long-métrage de John Carpenter reste tout une petite perle à réhabiliter d'urgence. À (re)voir pour la dernière apparition du légendaire Snake Plissken.

Dernier plan symbolique du film. Snake Plissken a privé
 l'humanité de l'électricité et des technologies,
 l'homme doit repartir à zéro, mais il lui
reste le feu, sa première découverte. 

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